Aéronautique : un secteur qui cartonne

  • 06 juillet 2015
  • Temps de lecture: 5 min

Aéronautique : les défis d'une filière mondialisée

Montée des cadences de production, modernisation de l’outil industriel, relations entres les sous-traitants et les donneurs d’ordre, engagement de la filière en faveur de la transition énergétique… Si la filière aéronautique française affiche de bons résultats, elle n'en reste pas moins confrontée à de nombreux défis.

Avec un chiffre d'affaires de 50,7 Md€ en 2014, soit une croissance de 3 % par rapport à 2013, et une hausse de 6 % de la part à l'exportation, la filière aéronautique française se porte bien. Grâce au doublement de la flotte mondiale attendu d’ici 2035, les carnets de commandes sont pleins pour les 8 prochaines années. Pour répondre à la demande, la filière nationale s’appuie sur un tissu de près de 4 000 entreprises, structuré autour de grands constructeurs ensembliers, de motoristes, d’équipementiers fournisseurs de rang 1, qui font travailler 3 000 PME sous-traitantes. Le secteur emploie 180 000 personnes en France et devrait effectuer autour de 8 000 recrutements en 2015. La filière, dont 82 % du chiffre d'affaires de 2014 ont été réalisés à l'exportation, investit chaque année en moyenne plus de 3 Md€ en R&D.
« Notre industrie constitue un pôle d’excellence technologique et économique pour la France, dotée d’une filière cohérente, solidaire, réactive et dynamique » expliquait en avril dernier, Marwan Lahoud, le président du Gifas (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales), lors de la présentation du bilan 2014 de la filière.

Faire face à la montée des cadences de production

Malgré ses bons résultats et ses perspectives tirées par la demande mondiale, la filière est confrontée à de nombreux défis. Le principal relève de la montée des cadences de production du secteur, conséquence directe de l’augmentation des commandes. Pour y faire face, « nous avons du mettre en place des méthodes de gestion plus adaptées » raconte Jean-Robert Bachere, Pdg d’Acos. Sa PME, spécialiste de la peinture des pièces destinées aux aéro-équipementiers, a participé au programme trisannuel « Performances Industrielles ».
Ce dernier a été mis en place en 2014 par le Gifas, en partenariat avec l'association Space Aéro dont la vocation est de rapprocher grands comptes de la filière et PME, pour renforcer la compétitivité des PME de la filière. Dotée d'une enveloppe de 23 M€ par l’État, les régions, les industriels et le Gifas, cette initiative réunit des grappes de 5 à 8 PME avec comme chef de file un grand donneur d’ordre autour de modules de formation. Le programme met l’accent sur l’innovation organisationnelle pour augmenter les cadences, avec l’ambition de ne pas remettre en cause l’innovation technologique et les investissements en R&D. Déjà 400 PME et 65 grands groupes y ont participé. « Ce programme aide les PME à répondre aux exigences, de qualité notamment, des clients grands donneurs d’ordre » ajoute Philippe Duchemin, président de Mekamicron SNE. Sa société, spécialisée dans les pièces mécaniques de haute précision, est par ailleurs impliquée dans le programme de conception du moteur nouvelle génération LEAP de Snecma et General Electrics. « Le programme permet également de faire remonter aux donneurs d’ordre les difficultés de leurs sous-traitants » poursuit Philippe Duchemin.

Consolider l’activité et maintenir la R&D

Les relations entre donneurs d'ordre et sous-traitants restent en effet un défi de la filière.
En avril dernier, Marwan Lahoud rappelait ainsi la nécessité d'insuffler un « esprit de meute » dans la filière aéronautique. Pour Maurice Laffly, président d’Aerospace Distribution Service (AEds), « la filière souffre de son éclatement en une multitude de petites entreprises aux savoir-faire avérés mais à l’assise financière insuffisante pour travailler avec des grands comptes qui exigent des garanties ». Sa société, spécialisée dans la réalisation d'assemblages mécaniques, a repris une société concurrente, Baccarat Précision, à la demande d’un de ses donneurs d’ordre et en réponse à l’ambition de la PME de passer au statut d’ETI.
Ce parcours renvoie à un autre défi de la filière, celui de la consolidation des activités des entreprises et du maintien de la R&D. Cet enjeu est au cœur du « Business Success Initiative », lancé le 22 juin par le pôle AeroSpace Valley avec le soutien du Gifas. Il s'agit de soutenir les PME d’ingénierie dans la commercialisation de leurs innovations dans le secteur aéronautique, mais également sur de nouveaux marchés comme en santé ou en agriculture. La diversification de l’activité de ces entreprises permet de consolider l’activité en mettant l’accent sur la production et en maintenant emplois et investissements sur le territoire.
Le programme « Projets industriels d’avenir » (PIAVE), dédié aux projets inscrits dans les 34 plans de la Nouvelle France industrielle, poursuit un objectif similaire en soutenant les travaux de R&D et d’industrialisation, mais aussi ceux visant à renforcer la compétitivité de filières stratégiques. « Une des ambitions de ce programme est de dissuader les grands donneurs d’ordre de travailler ailleurs » confie Abdelkader Berkane-Krachai, directeur de l’expertise innovation chez Bpifrance. La démarche vise ainsi le maintien d’une cohésion au sein de la filière. La création d’une dynamique entre donneurs d’ordre et sous-traitants, grands groupes et PME, mais aussi entre PME, apparaît également indispensable dans la perspective de la transition énergétique et pour répondre aux objectifs ambitieux que s’est fixés la filière au niveau international en termes d’efficacité énergétique et de réduction des émissions polluantes.