Alexandra Nervi [Jacquemus] : « Le metavers va exploser pour la mode et le luxe »

Aujourd’hui, alors que le mot métavers entre de plus en plus dans notre langage courant, Alexandra Nervi, responsable digitale chez Jacquemus, nous éclaire sur son exploitation par le secteur de la mode.

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Portrait Alexandra Nervi

Une collection exclusive pour le jeu vidéo Fortnite, c’est ce qu’a proposé Balenciaga il y a quelques mois. Un premier pas détonnant pour un géant de la mode dans le métavers. Il n’y a pas si longtemps ce mot était réservé aux plus geeks d'entre nous, mais depuis quelques semaines et le changement de nom du groupe Facebook, renommé Méta, tout le monde en parle et se l'approprie, notamment les marques qui souhaitent se rapprocher des digital natives. Récemment, c'est la marque de haute couture française Jacquemus, qui s'est lancée dans ce nouveau marché. Alexandra Nervi, en charge de la digitalisation de la marque, nous parle de sa vision de l’utilisation du métavers par les acteurs du secteur.   

Big média : Lors de Big vous avez participé à une conférence sur le business model de demain. Pour revenir sur ce sujet, est-ce que pour vous, l'avenir de la mode passe par digitalisation du vêtement ?  

Alexandra Nervi : Si on m’avait posé la question il y a quelque temps j’aurais dit non. A l’époque, je ne pensais pas que ça pourrait prendre une telle ampleur. Aujourd’hui, on se rend compte que si. Il existe un monde où les influenceuses et les clientes peuvent se créer leurs vêtements d’exception et les porter virtuellement via un avatar. Bien sûr, cela reste encore relativement marginal. Il faut bien mesurer la puissance de ce mouvement notamment en Asie où les avatars virtuels sont une réalité déjà bien ancrée dans le paysage. D’un autre côté, quand on voit le succès de NBA Top shots (valorisé 7 milliards de dollars), qui vend les meilleurs paniers de NBA en NFT, on peut que se dire que le concept va exploser pour la mode et le luxe. Le potentiel en termes de structuration de communautés est très puissant.  

B : Mais alors, si demain la mode passe en 100 % dématérialisé, comment fixe-t-on un prix de vente ?   

A.N : Aujourd’hui, c’est compliqué de répondre à cette question car ce n’est pas encore une tendance vraiment répandue. Mais tout va dépendre de la rareté du produit. Plus cela sera rare, plus se sera cher, et inversement. 

B : Comment une marque peut-elle se positionner vis-à-vis du métavers ?   

A.N : Le métavers est un monde virtuel fictif. Pour Mark Zuckerberg, par exemple, ce sera un monde où l’on sera capable de tout faire : se rassembler avec ses amis ou sa famille, travailler, jouer ou encore faire du shopping ! Il n’en reste pas moins que pour toutes les marques souhaitant avoir une approche commerciale dans le métavers, il faudra du temps, une technologie mature et soit un lien authentique entre la marque et l’expérience virtuelle qu’elle proposera. 

« AUJOURD’HUI, ON PEUT TOUT DIGITALISER »  

B : Aujourd'hui, la digitalisation du secteur ne passe pas seulement par le métavers. Quels sont les autres leviers ?  

A.N : Le terme « digitalisation » englobe beaucoup de sujets.  Aujourd’hui, on peut tout digitaliser. Le fait de pouvoir acheter directement depuis Instagram n’est pas nouveau, mais ça reste un levier de digitalisation. On peut prendre aussi l’exemple des défilés pendant la période que l’on vient de vivre. Le Covid-19 nous a montré que les marques de luxe étaient tout à fait capables de digitaliser leurs défilés et de montrer différemment leurs nouvelles collections. La pandémie a d'ailleurs énormément accéléré la digitalisation du secteur de la mode.  

B : Pourra-t-on un jour se passer complétement des points de vente physiques ?   

A.N : A chacun sa stratégie mais selon moi, avoir une expérience physique, quelle que soit sa forme est une force, un véritable atout pour une marque. 

B : Donc, pour vous, le point de vente reste la meilleure façon de toucher une nouvelle cible ?  

A.N : Je pense plutôt que pour découvrir l’univers d’une marque, avoir la possibilité de passer du physique au digital, ou inversement, est un vrai levier de transformation.  Il y a une véritable synergie entre les deux, un client omnicanal a une Life time value1 bien plus importante que les autres.

Retrouvez, en vidéo, l'intervention d'Alexandra Nervi à Big sur l'atelier "Marques de mode: quels business models pour le monde de demain ?" 

1- Valeur Vie Client en français est l’estimation du profit généré par un consommateur tout au long de la durée de sa relation commerciale avec une entreprise.