Angola : « c’est maintenant qu’il faut prendre des parts de marché »

Rencontre avec Xavier Chatte-Ruols, directeur Business France Angola.

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Quels conseils donneriez-vous aux entrepreneurs qui cherchent à entrer sur le marché angolais ?

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Xavier Chatte-Ruols : Le premier conseil serait d’abord d’oser franchir le pas ! Dans l’esprit du plus grand nombre, l’Angola représente un pays qui a connu la guerre pendant plusieurs décennies… Un pays miné, détruit, fermé... Beaucoup de clichés perdurent et repoussent certaines de nos entreprises, alors qu’au contraire, l’Angola offre actuellement et pour les années à venir un gisement d’opportunités immenses pour nos exportateurs français ! L’Angola est la 2e économie d’Afrique australe. C’est l’un des pays africains à la plus forte croissance (8,8 % estimée en 2014). Depuis la fin de la guerre en 2002, l’Angola voit son économie exploser (seul pays au monde à avoir vu son PIB décupler ces 10 dernières années). Bon nombre d’économistes citent l’Angola comme le futur « Dubaï » de l’Afrique !

Le second conseil serait d’identifier un partenaire local (importateurs/distributeurs/agents…) dans le cadre d’une démarche export structurée. Le marché angolais s’adresse en priorité à de solides PME, ETI et grands groupes, à des entreprises aguerries au grand export, familières de l’Afrique, et qui sont financièrement solides car les coûts de prospection ou d’implantation peuvent s’avérer élevés. Quel que soit la taille de l’entreprise, il sera essentiel de s’appuyer sur un opérateur local bien introduit auprès des différents réseaux de distribution et des principaux centres de consommation. Cette stratégie permettra à l’entreprise française de maximiser ses courants d’affaires en Angola.

La difficulté est donc d’identifier un partenaire local.Une fois un partenaire identifié, il est important d’entretenir la relation et de lui rendre visite régulièrement. Une des possibilités est de participer, avec son distributeur, à un salon professionnel en Angola ou à des évènements de type forum/exposition répandus dans certains secteurs d’activité. Les équipes d’Ubifrance, présentes sur le terrain, sont à disposition des entreprises françaises pour leur proposer un éventail de partenaires potentiels, et les conseiller pour identifier le meilleur d’entre eux au regard du profil recherché et de la stratégie export souhaitée.

Comment se fait-on payer et quels sont les us et coutumes en délais de paiement ?

Xavier Chatte-Ruols : Le paiement se fait en dollar ou en monnaie locale, le Kwanza (au 19/03/2014, 1 € = 136 Kz). Le secteur pétrolier est en revanche dé-dollarisé. Les fournisseurs sont donc obligatoirement payés en monnaie locale (d’où la nécessité d’avoir un partenaire locale ou de créer une filiale sur place). Habituellement le délai des paiements est de 90 jours. En 2013, l’Angola a été listé comme le premier pays au monde où les retours sur investissements sont les plus importants selon le World Economic Report.

Luanda est la ville la plus chère au monde. Les prix aux consommateurs peuvent être, sur certains produits de consommation courante (destinés aux classes moyennes ou aux populations à fort pouvoir d’achat), 2 ou 4 fois plus importants que sur d’autres marchés africains. Les niveaux de marges pratiquées dans le secteur privé sont parmi les plus importantes au monde. C’est l’une des raisons qui rend particulièrement attractif ce marché, et qui vient compenser la difficulté et les coûts d’implantation/prospection élevés.

Est-ce le moment opportun pour faire des affaires en Angola ?

Xavier Chatte-Ruols : Oui, clairement ! Tout d’abord, la taille du marché va doubler d’ici 2045 et le pays voit une classe moyenne et une élite à très fort pouvoir d’achat émerger. Pour les biens de consommation, le « made in France » suscite l’intérêt des distributeurs/consommateurs. Les produits français véhiculent auprès d’eux une image de marque, de luxe, et reflètent l’accès à un certain statut social.

Les consommateurs angolais à fort pouvoir d’achat ont l’habitude de voyager. Ils se rendent souvent à Lisbonne, Dubaï, Johannesburg ou Paris et connaissent nos marques françaises. Nos produits de cosmétiques, de maroquinerie, de prêt-à-porter par exemple sont très appréciés. Pour les biens d’équipement, notre savoir-faire est connu et reconnu. Et certains grands groupes français implantés en Angola (Total par exemple) ont permis à de nombreux sous-traitants de prendre des parts de marché. Bien que les entreprises portugaises et chinoises soient très présentes dans certains secteurs d’activité (BTP entre autres), le marché angolais reste relativement peu concurrentiel comparé à des marchés plus matures, comme l’Afrique du Sud par exemple. Les opportunités sont nombreuses, les parts de marché sont à prendre… C’est le bon moment de venir !

La France est le 6e pays fournisseur de l’Angola (2e européen derrière le Portugal) et le 2e investisseur en termes d’Investissements Directs Etrangers (derrière les Etats-Unis).

A propos de négociation avec les gens sur place, auriez-vous des conseils pour ceux qui s’apprêtent à partir là-bas ?

Xavier Chatte-Ruols : La prospection peut s’avérer longue et difficile. Il est primordial d’être renseigné et bien conseillé pour gagner du temps et maximiser ses chances de réussir. Par ailleurs, la notion de « réseau » est très importante en Angola. Il faut être introduit aux bons partenaires, aux décideurs et personnes d’influence. Le Bureau Ubifrance de Luanda est à la disposition des entreprises financées par Bpifrance pour vous accompagner.

Les professionnels angolais accordent beaucoup d’importance au relationnel. Il est primordial de se déplacer en Angola pour venir les rencontrer puis de rendre visite à ses partenaires au moins une fois par an.
Etre réactif dans le suivi d’une mission ! Car même si le marché angolais est peu concurrentiel comparé à des marchés plus matures, les concurrents ont tendance à s’intéresser de plus en plus à ce pays émergent (outre les portugais et chinois, les brésiliens, sud-africains et américains arrivent).
La ponctualité n’est pas toujours de mise en raison des problématiques de circulation à Luanda… Il faut parfois s’armer de patience… Mais le jeu en vaut la chandelle !
Les angolais sont toujours très apprêtés, l’apparence est importante. Par ailleurs, ils attachent beaucoup d’importance à leur titre (ex : docteur, ingénieur) et statut social.

Il faut souvent du temps pour savoir gagner la confiance des angolais. Mais une fois la confiance acquise, les angolais sont très loyaux et fidèles en affaires ! Ce sont des bons payeurs.
Parler et disposer d’une documentation en portugais sera très apprécié. L’anglais et le français sont généralement pratiqués dans le monde des affaires angolais.

Qu’en est-il d’Internet et des télécoms ?

Xavier Chatte-Ruols : Le marché angolais d’internet et des télécoms a connu un développement fulgurant depuis la fin de la guerre (2002) avec la libéralisation du marché et l’émergence d’opérateurs privés. Il s’agit d’un des marchés les plus importants d’Afrique rapporté à sa population. Signe de la bonne santé du secteur, les opérateurs angolais se développent à l’étranger (Sao Tomé, Cap Vert…). L’Angola a été le 1er pays du continent africain à développer le réseau 4G (avant la France !).

Les réseaux de télécommunications s’appuient sur des infrastructures avancées : 29 satellites pour une couverture mobile quasi-totale. L’internet arrive via le câble sous-marin SAT3 WASX-Safe qui relie l’Afrique du Sud à l’Europe. L’Angola devrait par ailleurs lancer son 1er satellite de télécommunications en 2017 : AngoSat.

18 % de la population ont accès à la téléphonie fixe, contre 82 % pour la téléphonie mobile (prévisions : 90 % d’ici 2017). 23 % de la population ont accès à internet (prévisions : 1/3 d’ici 2017)

Comment voyez-vous l’avenir en Angola ?

Xavier Chatte-Ruols : Je suis confiant sur l’avenir du pays. Je crois beaucoup en l’Angola et aux potentiel de ce marché.
Le marché s’organise et se structure. Les secteurs porteurs sont nombreux et « matchent » avec des secteurs où notre offre française est reconnue :

  • Oil&gas (2e pays producteur de pétrole d’Afrique, production en augmentation) ;
  • mines (5e pays producteur de diamants au monde, potentiel pour nos équipementiers) ,
  • agriculture (5e pays au monde selon la FAO au plus fort potentiel agricole),
  • agroalimentaire (80 % des produits consommés sont aujourd’hui importés),
  • santé (investissements publics de plus de 5 Mds € pour construire ou moderniser les hôpitaux du pays ; les cliniques privés poursuivent quant à elles leurs investissements dans du matériel innovant et à forte valeur ajouté) ;
  • énergie (35 Mds de USD d’investissements d’ici 2017 pour améliorer les infrastructures de production, de transport et de distribution d’électricité) ;
  • eau/environnement (6 Mds d’investissements publics pour améliorer les réseaux de distribution d’eau sur l’ensemble du territoire) ;
  • tourisme (80 hôtels en cours de construction dans le pays) ;
  • biens de consommation non-alimentaires (organisation de centre de distribution modernes : 10 malls en cours de construction dans Luanda)…

Pour diversifier son économie, trop dépendante des ressources pétrolières et minières, l’Angola a lancé un vaste Plan National de Développement (PND) sur la période 2013-2017. Ce programme comprend 390 projets structurants dans des secteurs définis comme prioritaires. Ces projets représentent un investissement global de 6 000 milliards de kwanzas (environ 46 milliards d’euros). Là encore, de belles opportunités à conquérir pour nos entreprises !

L’Angola se donne les moyens de se reconstruire et de se moderniser. Les entreprises que nous avons accompagnées et qui ont concrétisé des courants d’affaires citent souvent l’Angola parmi leurs marchés les plus profitables. Et c’est parti pour durer !