Cap sur l'Australie !

Christophe Lecourtier, ambassadeur de France en Australie, a répondu à nos questions sur le marché australien.

  • Temps de lecture: 5 min
Sydney CBD

Quelles sont les forces du marché australien ?

Christophe Lecourtier

L’Australie présente un contexte économique rare dans le monde développé :

  • une croissance ininterrompue depuis 25 ans, qui se poursuit ;
  • un endettement public limité (12 % du PIB), qui donne des marges de manœuvre en termes d’investissements publics ;
  • un pouvoir d’achat parmi les plus élevés du monde (le 5e), et réparti de manière équitable dans la population.

En outre, l’insertion croissante de l’Australie dans la zone Asie-Pacifique (plus de 2/3 de ses échanges) va s’accentuer, en raison d’accords de libre-échange signés en 2014 avec la Corée du Sud, le Japon et la Chine. L’Australie peut donc, dans certains domaines, constituer une plateforme vers l’Asie. Amorcée récemment, la baisse du dollar australien peut également représenter un élément favorable pour investir dans un pays où les coûts restent élevés.

"L’Australie présente un contexte économique rare dans le monde développé : une croissance ininterrompue depuis 25 ans, qui se poursuit ; un endettement public limité (12 % du PIB), qui donne des marges de manœuvre en termes d’investissements publics ; un pouvoir d’achat parmi les plus élevés du monde (le 5e), et réparti de manière équitable dans la population." Christophe Lecourtier

Quels sont, selon vous, les secteurs porteurs ? 

L’enjeu de la diversification est majeur pour l’Australie, à l’heure où le « boom minier » s’estompe. Si l’énergie reste un domaine où le pays dispose de ressources conséquentes, et qui draine une bonne part des investissements directs à l’étranger, l’industrie traditionnelle a disparu, ou disparaîtra bientôt (automobile, sidérurgie, aluminium). Cela peut ouvrir la voie à des exportations dans ces domaines, où il n’existera bientôt plus d’offre nationale. En revanche, localement, les secteurs de pointe (défense, électronique, biotechs, télécoms) disposent de perspectives intéressantes, probablement de niches, à destination du marché intérieur comme de l’environnement asiatique. En matière agricole et d’agro business, l’Australie dispose d’avantages comparatifs importants et devrait mieux faire – notamment en termes de produits transformés – pour profiter des opportunités immenses du marché asiatique. C’est également le cas dans le secteur du tourisme, où le pays n’a pas mis en valeur ses atouts et gagnera à améliorer ses infrastructures, et son offre, avec le concours d’investisseurs étrangers. Enfin, dans les domaines des infrastructures de transport et des services associés (ferroviaire, notamment), le pays a de gros besoins et de grandes ambitions. 

 " (...) l’industrie traditionnelle a disparu, ou disparaîtra bientôt (automobile, sidérurgie, aluminium). Cela peut ouvrir la voie à des exportations dans ces domaines, où il n’existera bientôt plus d’offre nationale." Christophe Lecourtier

Quelle est l’image de la France et du « Made in France » en Australie ?

La France dispose d’une image positive en Australie mais, comme souvent, fortement associée à l’art de vivre. Nous en profitons économiquement : nos ventes de produits de luxe ou de vins et spiritueux sont dynamiques ; la France est une destination touristique très prisée des Australiens. L’enjeu est de mieux faire connaître nos performances en matière de haute technologie (aéronautique, armement, satellites, fibre optique, biotechs) et notre capacité à conduire avec l’Australie des projets communs, reposant sur des transferts de technologie. L’enjeu est aussi de continuer à développer nos réussites dans les services (transports publics, traitement de l’eau, des déchets), demain dans l’environnement ou la « smart city », en faisant mieux comprendre qu’elles sont le fait d’entreprises françaises. Nombre d’acteurs, dans ces domaines, sont en effet perçus comme australiens, alors même qu’ils sont les filiales de nos grands groupes.

Comment faire pour trouver et travailler avec un partenaire sur place ?

S’associer à un partenaire australien, est dans bien des domaines, au moins dans une première phase, une clé nécessaire – mais pas obligatoire – pour s’ouvrir le succès. L’Australie dispose de ressources financières abondantes, qui cherchent à s’investir, et d’un esprit d’entreprise indéniable. C’est aussi un relatif « petit monde », où chacun se connait dans les affaires, ce qui peut être utile pour un nouveau venu. Un partenaire local aidera à mobiliser les bonnes ressources et à s’appuyer sur les bons réseaux. Pour une première approche, et même au-delà, compte tenu de la distance et des coûts de prospection, je recommande de s’adresser à Team France Australia, une organisation qui rassemble l’ambassade, Business France, les chambres de commerce et d’industries françaises en Australie (FACCI) et des acteurs privés. Cette Team – inaugurée durant la visite d’Etat du Président Hollande en novembre 2014 - n’a pas d’autre vocation que d’aider de nouvelles entreprises françaises à connaître et à prospecter le marché australien. Elle est unique en son genre.

"Team France Australia, une organisation qui rassemble l’Ambassade, Business France, les Chambres de commerce et d’industries françaises en Australie (FACCI) et des acteurs privés. Cette Team (...) n’a pas d’autre vocation que d’aider de nouvelles entreprises françaises à connaître et à prospecter le marché australien." Christophe Lecourtier

Quel est le rôle de l'Ambassadeur de France en Australie auprès des entreprises françaises ?

Ma mission s’inscrit évidemment dans le cadre de la diplomatie économique. Cela veut dire de garantir aux entreprises non seulement une disponibilité permanente des services de l’Etat (ambassade, service économique, consulats) mais également de veiller ce que l’action des différents acteurs publics et privés (Business France ; FACCI, CCEF, etc), à même d’aider les entreprises françaises à faire la différence dans un marché concurrentiel, soit coordonnée, et leur moyens si possible mutualisés. Anticipation et réactivité de l’Ambassade ; coordination des acteurs de l’accompagnement : c’est le moins que l’on puisse attendre lorsque l’on cherche à prospecter un marché si lointain, et cher.

Mais au-delà, j’entends œuvrer à améliorer l’influence globale de la France. C’est parce que nous serons perçu comme un pays « créatif », un pays qui bouge, un pays qui innove, que les Australiens feront évoluer leur vision de l’attractivité de la France : à la dimension « loisirs » doit venir s’ajouter celle de la technologie, de la science, et finalement de l’investissement en France et/ou en relation avec la France. Pour monter en puissance dans cette diplomatie d’influence, l’enjeu est de s’appuyer sur différents réseaux, où se retrouvent des « leaders d’opinion », dont la francophilie a besoin d’être nourrie d’actualité : milieux d’affaires, mais aussi universitaires, anciens élèves des écoles françaises, clients des Alliances Françaises, afin de diffuser – notamment par les réseaux sociaux – un kaleidoscope d’informations sur notre pays, son actualité, ses réalités, ses réussites.

Pour moi, dans la mondialisation, la compétition se gagne notamment via la capacité d’un pays d’imposer une image qui favorise le succès de ses entreprises. En bref, le paramètre « France » peut, et doit, devenir en Australie – comme il l’est pour l’art de vivre – à la fois un élément de différenciation, mais aussi un facteur d’adhésion, pour favoriser l’implantation, le développement et les contrats de nos entreprises.