Concrètement, Brice Coudert

Créateur du club Concrete, et actuel résident à la Gaîté Lyrique, Brice Coudert, l’entrepreneur le plus fêtard de la capitale (à moins que ça ne soit l’inverse), se confie sur son parcours et ses projets pour rebondir après la pandémie. 

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Brice Coudert
Brice Coudert © Lucie Hugary

« Il y a 15 ans, je rêvais d’avoir mon club. Concrete a été l’incarnation de ce fantasme », nous confie Brice Coudert. Avec Concrete, club flottant quai de la Rapée, il réussit le pari fou d’attirer 10 000 artistes et 2 millions de visiteurs. Fort de sa réputation, l’établissement est rapidement reconnu mondialement par les amateurs de musique techno. Cette boîte sur une péniche de deux étages en plein Paris est la première en France à avoir l’autorisation d’ouvrir pendant 24 heures et de proposer des événements all day long. Pendant 8 ans, c’est donc sur la Seine que la fine fleur de la scène électronique locale et internationale se donne rendez-vous, insufflant un nouveau souffle au milieu de la fête dans la capitale.

Le club devient le point de rencontre incongru entre les noctambules toujours debout et un public de curieux, moins habitué à cette musique. Un brassage social et une mixité des publics qui constituent l’ADN si particulier de Concrete. En 2019, des désaccords avec le propriétaire des lieux sonnent le glas de la boîte. Une page se tourne, mais l’histoire se poursuit au travers de différents projets visant au développement de la scène électro. L’occasion pour nous de revenir le parcours et les projets futurs de Brice Coudert.

« Mon travail me rendait malheureux »

Originaire de Garges-lès-Gonesse, une petite ville de banlieue parisienne, Brice Coudert est élevé par sa mère dans un milieu modeste. « J’ai grandi avec une seule idée en tête : faire de l’argent. C’est vraiment en réponse à ce besoin que j’ai orienté ma carrière ». Bien loin de l’entrepreneuriat ou même de l’industrie musicale, il entre dans une école de commerce spécialisée dans l’informatique et fait rapidement ses armes comme ingénieur d’affaires. Malgré un brillant début de carrière dans de grands groupes comme British Telecom ou Capgemini - lui permettant de rembourser ses prêts étudiants, d’apporter un soutien financier à sa mère et d’acquérir un niveau de vie enviable - son manque d’épanouissement personnel devient rapidement un problème pour lui. « Je me suis rendu compte d’un truc super simple : mon travail me rendait malheureux. J’étais en train de faire une carrière qui ne me plaisait pas juste pour l’argent ». Fort de ce constat, il décide de quitter le monde du conseil pour se consacrer à sa passion. 

« Depuis que je suis gosse, j’ai la musique en tête. Ça a toujours été un moteur pour moi. ». Sa mission, développer un public d’initiés et créer un écosystème d’artistes dans la musique électronique. Une ambition réalisée en 2011 avec l’ouverture de Concrete. Et comme beaucoup d’entrepreneurs, il a dû faire face à un certain scepticisme. « Beaucoup me disaient que j’étais complètement fou de quitter une bonne situation pour faire la fête - pour faire des after, c’est encore pire [rire] ». Bien que soutenu par de nombreux proches, quand on lui demande comment son entourage a réagi, il ne retient pas son sourire. « Pendant des années, ma mère a cru que je continuais à travailler dans l’informatique. Après je lui ai parlé de l’événementiel, mais sans mentionner que j’avais un club ».

« En Angleterre ou en Allemagne, les artistes arrivent à exploser beaucoup plus facilement parce qu’il y a des infrastructures suffisamment développées »

Motivé par la création de nouvelles approches, il entreprend à nouveau en septembre 2020 avec Underscope, une société dont la mission est de développer et promouvoir la scène électro française. Attestant d’une gestion désintéressée, fédérant plus de 100 labels indépendants, le projet répond à des objectifs de développement et dynamisation de la scène locale. Pour se faire, Underscope concentre son action sur la gestion des droits d’auteurs, la distribution et la promotion des artistes sur les plateformes de musique streaming. « Malgré la qualité de la scène en France, on se rend compte qu’en Angleterre ou en Allemagne, les artistes arrivent à exploser beaucoup plus facilement parce qu’il y a des infrastructures suffisamment développées ».

Aujourd’hui, la jeune entreprise capitalise un total de plus de 2 millions d’écoutes par mois sur les plateformes de streaming. La pandémie, en créant une situation d’urgence chez les artistes de la scène électronique, a boosté le développement du projet Underscope.  Pour permettre aux artistes et intermittents de conserver une activité partielle durant le confinement, la structure a produit et diffusé sur internet de nombreux “lives” vidéos. 

«Tous les jours, en passant en face de mes anciens locaux, je pense à cette vie en costard/cravate que j’ai abandonnée. Aujourd’hui, je suis pressé d’arriver au bureau »

Sur ses sources d’inspirations, il évoque le rap américain : Dr.Dre, Jay-Z, ... Tous ont en commun d’avoir proposé une nouvelle approche dans leur domaine, mais aussi d’être devenus des modèles pour les générations futures. Ayant initié, à bord de Concrete, toute une génération à la musique électronique, une de ses grandes fiertés est d’avoir programmé des artistes lui ayant confié avoir découvert la techno sur son pont dansant. « Quand on a grandi dans mon milieu, avoir des « role model » c’est important, tout comme il est important de tendre à le devenir ».

Bien loin d’être nostalgique de sa vie d’ingénieur d’affaires, il se concentre maintenant sur l’après Concrete, avec la même conviction que celle qui l’a poussé à quitter sa position dans le conseil il y a dix ans déjà. « Tous les jours, en passant en face de mes anciens locaux, je fais la comparaison entre cette vie que j'ai abandonnée en costard/cravate à parler de choses qui ne m’intéressent pas vraiment. Aujourd’hui, je suis pressé d’arriver au bureau ». Toujours passionné par l’événementiel musical et misant sur un retour à la normale après plus d’un an et demi de pandémie, le quadra travaille actuellement à l’ouverture d’un nouveau club. Hyperactif, il a aussi lancé, ces derniers mois, son label Impossible City en collaboration avec le compositeur et producteur Teki Latex.