Cryptomonnaie : le pdg de Paymium, précurseur français du bitcoin, partage sa vision sur ce marché

Créée en 2011, Paymium est l’une des premières plateformes de change de bitcoins au monde. Pierre Noizat, son fondateur également cofondateur de l’association Bitcoin France, analyse pour nous l’évolution et les enjeux de cette cryptomonnaie.
 

  • Temps de lecture: 2-3 min
PierreNoizat--Paymium.jpg

Paymium rend possible l’achat, par carte bancaire, de bitcoins mais aussi l’échange euro/bitcoin ou encore le stockage de ce dernier. La société propose également une interface d’échange et de trading plus avancée pour les experts des cryptomonnaies. Face à ses concurrents internationaux, la startup française évolue tout en restant fidèle au principe de son fondateur et s’adapte à l’évolution du marché. Pierre Noizat, nous partage ses dix ans d’expérience dans le secteur. 

Bpifrance : Paymium a été fondée en 2011, comment vous est venu cette idée ?

Pierre Noizat : Je suis passionné de cryptomonnaie depuis plus de 30 ans, j’ai donc suivi l’émergence du bitcoin de très près. En 2011, je savais ce qui allait arriver. Un réseau qui progresse chaque année afin de proposer une indépendance entre ses intermédiaires et ses utilisateurs. Lors du lancement de Paymium, nous étions les numéro 3 mondial de l’échange de bitcoin et avions peu de concurrents. Puis le marché s’est développé. Nos concurrents ont levé des fonds considérables, qui se chiffrent en milliard – mille fois plus que nous !  –  rendant Paymium tout petit face à ces mastodontes. Mais c’est l’histoire de la technologie en France : c’est parfois très difficile d’obtenir des financements pour conquérir le monde. 

B : La popularité du bitcoin est récente par rapport à votre entreprise. Comment aviez-vous identifié le potentiel de cette cryptomonnaie ?

PN : J’ai eu la chance d’assister à plusieurs transformations dans le domaine de l’économie numérique. Selon moi, Internet et les emails sont deux mutations de la même nature que l’apparition de la cryptomonnaie.  De la même manière que le système bitcoin est une alternative au système bancaire actuel, ces protocoles numériques proposent des solutions alternatives. Contrairement à l’euro, qui est un système bancaire couteux, le bitcoin a un coût bien inférieur qui donne le choix à chacun et permet de faire des économies aux collectivités. 

B : Le cours du bitcoin est volatil et cela peut constituer un frein pour les investisseurs. Quelle est la stratégie de Paymium pour les rassurer ?

PN : On essaie de les rassurer le plus possible mais nous faisons face à des lobbies qui font tout pour les inquiéter. Depuis 10 ans maintenant, le rendement du bitcoin oscille entre 200 et 300 %. Ce développement exponentiel ne durera pas éternellement mais nous n’en sommes qu’aux débuts. Certes, le bitcoin est volatil mais son traitement médiatique est souvent incomplet. Les clients qui nous consultent ont déjà surmonté cette barrière médiatique anxiogène.

B : Depuis avril 2021, vous êtes enregistré PSAN (Prestataire de Services sur Actifs Numériques) auprès de l'Autorité française des marchés financiers. La différenciation des plateformes spécialisées en cryptomonnaies passe t-elle par ce type de labels de confiance ? 

PN : D’un point de vue institutionnel, elle peut passer par là. Mais la réalité est que les plateformes offshores permettent de faire la même chose que nous, avec moins de contraintes. Dans le domaine du numérique, le label PSAN, qui est obligatoire pour opérer en France, est une porte dans le désert. Il peut rassurer certains clients mais ça n’empêche pas les plateformes d’échapper aux régulateurs français et de se développer en toute liberté.   
A titre personnel, je ne me suis pas expatrié aux Bahamas parce que ça ne correspond pas à ma vision. La finalité du système bitcoin est, à mon avis, de donner au citoyen plus de maitrise sur ses données transactionnelles, pas de faciliter le blanchiment d’argent.  Je crois aux vertus de l’entreprise à taille humaine, et j’assume cette échelle locale. Mais les pouvoirs publics passent complètement à côté du sujet bitcoin avec leur politique actuelle de régulation. 

B : Paymium est aujourd’hui principalement tournée vers le bitcoin. Est-ce que vous prévoyez de vous diversifier sur d’autres cryptomonnaies ?   

PN : On s’est diversifié en ethereum en 2018, on a également émis notre propre token (BCIO), mais je reste sceptique quant à la multiplication à l’infini des altcoins. On peut comparer cela avec d’autres épisodes de la mutation numérique comme la guerre des navigateurs. De la même manière que plusieurs protocoles incompatibles ne peuvent pas éternellement subsister, je ne pense pas qu’il y ait de place pour des centaines de cryptomonnaies, surtout si elles ne sont pas échangeables facilement.   
Le vrai sujet est l’insertion des cryptomonnaies dans l’économie et leur potentiel à devenir un outil de financement alternatif, notamment à la dette. L’émission de cryptomonnaies permet de financer un projet sans s’endetter. Etudions au moins ces scénarios au lieu de se cacher derrière d’autres maux. Les cryptomonnaies sont plus une solution qu’un problème.