Découvrez les coulisses de l’exposition universelle de Dubaï

Erik Linquier, commissaire général pour la France à l’exposition universelle de Dubaï, nous raconte les coulisses de la préparation et les enjeux de ce méga-événement. Entretien.  

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e.l

Plus de 25 millions de visiteurs sont attendus à l’exposition universelle de Dubaï qui démarre le 1er octobre 2021. Après Shanghai en 2011 et Milan en 2015, les Emirats arabes unis ont été choisis, il y a 7 ans, par l’organisation intergouvernementale chargée de superviser les expositions internationales et le Bureau International des Expositions, basé à Paris, pour accueillir les pavillons de 132 pays.  

Ce regroupement historique arrive dans un contexte de relance de l’économie mondiale, encouragé par l’espoir d’une sortie de crise globale. Avec un investissement de 30 millions d’euros sur son pavillon, porté à la fois par l’Etat et par des grands groupes du CAC 40, la France se positionne comme une puissance compétitive et attractive pour les entreprises et investisseurs internationaux. Erik Linquier pilote et prépare depuis trois ans la participation de la France à cet événement d’envergure. Il revient pour Bpifrance sur les enjeux économiques, diplomatiques et scientifiques qui sous-tendent ce méga-événement.  

Bpifrance : Erik Linquier, expliquez-nous votre rôle au sein de ce gigantesque projet ?  

Erik Linquier : On m’a proposé en 2018 de rejoindre l’aventure de l’exposition universelle de Dubaï avec un double objectif : monter l’exposition et créer COFREX, société désormais en charge de l’organisation de toutes les participations françaises dans les expositions universelles et internationales. Il s’agit d’une structure double financée par l’Etat, et qui dépend de quatre ministères : les affaires étrangères, l’économie, la TEE et l’enseignement supérieur et la recherche. En ce qui concerne l’exposition universelle de Dubaï, on a une structure projet cofinancée en partie par l’Etat à deux tiers et à un tiers environ par de grands groupes français, qui sont les sponsors du pavillon. 

A la manière des JO, une expo universelle est composée d’un pays organisateur et de pays participants, chacun présent sous la forme d’un pavillon national. Chaque pays est représenté par un commissaire général pour l’ensemble des opérations qui le concerne. Il gère les aspects matériels, notamment pendant la construction du pavillon, les opérations sur place pendant les 6 mois d’expositions, mais également tout le contenu apporté en matière d’expositions, d’événements, de conférences, etc. D’une douzaine de personnes pré évènement, mon équipe s’est élargie à 25 personnes. Sur tout le volet opérationnel du pavillon pendant l’exposition, c’est au total 200 personnes qui sont mobilisées. 

B: Comment ce pavillon a-t-il été conçu ? 

EL : Le pavillon a été conçu par l’atelier du Prado, avec le cabinet d’architectes Celnikier et Grabli, qui se sont associés avec le constructeur Besi6 dans le cadre d’un marché de conception-réalisation. Il s’agit d’un marché global, avec un groupement qui inclut les architectes, passé à la suite d’un concours qui s’est déroulé en 2018 et comprenant un certain nombre de contraintes.  
La première était de nature opérationnelle, créer un bâtiment capable d’accueillir à la fois des espaces d’exposition et de réception, que ce soit pour le grand public ou bien réservé aux relations BtoB et aux activités officielles.  

La deuxième contrainte était d’incarner la thématique de l’édition : « Lumière Lumières ». Il y a donc un sujet de mise en lumière du pavillon, d’abord pour la production d’énergie, puisqu’une partie du pavillon est recouverte de tuiles photovoltaïques à haut rendement, dont la technologie est en test actuellement. Lumière également dans l’expression du pavillon, puisque ce dernier est éclairé de jour comme de nuit, ce qui lui confère une grande visibilité.  

La troisième contrainte, la durabilité, se traduit d’abord par les systèmes que je viens d’évoquer, mais également par un système de consommation d’énergie surveillée, de recyclage des eaux usées et du plastique, etc. L’élément le plus important, c’est la pérennité du pavillon puisqu’au bout des 6 mois d’exposition, il sera déconstruit et transporté par 120 containers pour être remonté à Toulouse, et deviendra un bâtiment du CNESS (Centre National d'Etudes Spatiales).  

B : Justement, combien de pavillons l’exposition universelle va-t-elle recevoir et comment se structure le site ?  

EL : 190 pays participent à l’exposition, sous deux formes. Il y a d’abord les pays qui ont la capacité financière de construire leur propre pavillon, 70 environ, dont la France. Les 120 autres pays louent, aménagent et gèrent des bâtiments construits par le pays organisateur. Le site se trouve en limite de la zone urbanisée en direction d’Abu Dhabi, un endroit qui comporte plusieurs caractéristiques. C’est la zone d’expansion naturelle de l’agglomération de Dubaï, partie historiquement du nord pour s’étendre vers le sud, vers Abu Dhabi. Le site de l’exposition se situe entre le port de Dubaï et le deuxième aéroport de la ville, qui tend d’ailleurs à devenir le premier dans les prochaines années.  

Ce qui est intéressant, c’est la question du modèle de développement, question que se posent notamment les pays du Golfe. Et c’est particulièrement le cas pour Dubaï, un Etat fédéré qui n’a quasiment plus de pétrole et dont l’épuisement des ressources est une histoire de 2 ou 3 ans. Ces pays ont besoin de renouveler leur modèle de centre de commerce et financier fondé sur une image d’ultra modernité, modèle largement abimé par une ultra consommation, non pérenne pour la planète. Il faut donc repenser le modèle pour qu’il soit attractif. L’exposition intervient, dans ce sens, comme un acte de marketing global pour Dubaï, qui va « réinventer la ville du futur » et rendre la ville de nouveau attractive. Un modèle d’innovation qui pourrait d’ailleurs également servir aux grandes mégapoles indiennes, chinoises ou africaines.  

B : Inventer la ville du futur, c’est d’ailleurs le thème de l’exposition universelle ?  

EL : Effectivement, le thème central est celui de la ville intelligente, durable. Thème qui a d’ailleurs été élargi par le pays organisateur, à la suite du report de l’exposition à cause de la pandémie. Désormais, on parle de l’ensemble des objectifs de développement durable avec trois sous-thématiques définies, qui correspondent à trois zones géographiques au sein du site. La première s’appelle « opportunité », sur les enjeux d’éducation, de formation, de modèle économique de développement des villes. La deuxième, « durabilité », orientée vers les enjeux climatique et énergétique. Enfin, la troisième, la « mobilité », où se trouve le pavillon français.  

B : En quoi ce pavillon répond-il à cette problématique de mobilité ?  

EL : D’abord en distinguant les publics auxquels on s’adresse. Il s’agit d’un des rares évènements qui associe grand public et public spécialisé, avec des profils plus pointus. J’entends par là le monde de l’entreprise, de la recherche, le monde universitaire, etc. L’enjeu pour nous est de porter la smart city « à la française ». 

Le pavillon mesure 5 000m², dont 1 000m² consacrés au grand public avec une exposition permanente sur la mobilité. L’autre partie est un centre de conférence dans lequel on a programmé sur les 6 mois des conférences, séminaires et rencontres. Un certain nombre d’activités donc, qui vont successivement traiter la thématique de l’exposition puis, de manière plus fine, les enjeux de mobilité, de smart city liés à la biodiversité, à la santé, etc. L’essentiel du programme se tourne vers le monde professionnel. 

B : Un programme passionnant sur place à Dubaï, mais comment fait-on pour suivre l’événement depuis la France ?  

EL : Le premier point, c’est d’informer les publics de l’existence de l’exposition. C’est pourquoi, nous avons noué un certain nombre de partenariats médias, tant français, avec par exemple France Télévision, qu’internationaux, avec entre autres France Média Monde. Nous avons aussi prévu à partir du mois d’octobre, en partenariat avec JC Decaux, une campagne d’affichages dans les 80 plus grosses gares de France, ainsi que dans le réseau de métro parisien.  

Pour suivre l’exposition à distance, nous avons énormément travaillé sur « le pavillon virtuel ». C’est un double numérique de l’exposition dans son ensemble, dans lequel le pavillon français sera présent. En parallèle, les premières briques sont déjà disponibles sur notre site internet, avec notamment une visite virtuelle du pavillon et de ses principaux enjeux architecturaux. Il y a également des sous-espaces par thématiques, ainsi que des vidéos de présentation d’entreprises françaises innovantes, des retransmissions d’événements, etc. 

B : Quel est votre état d’esprit à quelques jours de l’inauguration de cet événement ?  

EL : Positif ! Par nature, c’est un événement tourné vers l’avenir. On sent que ça intéresse beaucoup de monde. Les gens ont envie de venir découvrir les innovations présentées. Nous avons créé une quinzaine de groupes de travail en amont de l’événement. Ils ont réfléchi sur ce que la France devait montrer en matière d’innovation et on leur a demandé de faire l’inverse d’un think tank classique, à savoir expliquer ce qui va mal en France et comment l’améliorer. On leur a demandé plutôt de mettre en valeur la France innovante, ce qui a créé une ambiance assez énergisante.  

Et j’ajouterais que le contexte dubaïote favorise cette atmosphère positive, car dans la majorité du monde actuellement, on ne peut plus être en contact direct avec les clients. Ça fait 18 mois que les commerciaux ne peuvent plus aller dans les salons professionnels, et ne peuvent plus aller sur le terrain. Je trouve cette effervescence très positive. On n’est peut-être pas sorti de l’auberge, mais on relance la dynamique. Finalement tout le monde jette son énergie dans l’événement, ça fait du bien, et on fait le pari que c’est le moment pour relancer la machine économique mondiale.