Perspectives françaises et internationales : Bpifrance son analyse du contexte économique

Bpifrance fait le point sur la situation et les perspectives macroéconomiques mondiales et françaises à court et moyen terme. On y retrouve également une analyse de contexte de marchés sur lesquels se positionne Bpifrance : le financement et la garantie, l’investissement, l’assurance-export et le crédit-export et enfin la création d’entreprises.

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Ministère des finances

Cet exercice, réalisé par la Direction des études de Bpifrance, se base sur des informations disponibles au 15 avril 2023.

  • L’environnement économique mondial reste peu porteur à court terme, freiné par les hausses de taux et la persistance des pressions inflationnistes, qui pèsent particulièrement sur les économies développées (Europe, États-Unis). Dans certaines zones émergentes (Asie et Afrique sub-saharienne), le potentiel de croissance reste important, avec toutefois des montées localisées de risques (Afrique).
  • En France, l’apaisement sur les prix de l’énergie semble avoir éloigné le risque de récession. Dans l’ensemble, les entreprises (PME, TPE comme ETI) ont réussi à maintenir leurs marges et leur trésorerie.

La note d’analyse du contexte économique est à retrouver en intégralité ici
 

Leur investissement est attendu moins dynamique dans les prochains trimestres, sous l’effet de la hausse des taux, de même pour les créations d’entreprise. En 2023, la croissance est attendue légèrement positive. En 2024, elle pourrait quelque peu accélérer, avec la décrue de l’inflation, même si les taux resteraient élevés.

  • Alors que la balance commerciale a connu un déficit historique en 2022 et que les parts de marché à l’exportation restent en berne, les enjeux de compétitivité des entreprises et de réindustrialisation sont cruciaux. Pour y répondre et pour décarboner l’économie, les besoins en emploi industriel et en investissement seront particulièrement élevés durant les prochaines années.
  • Le contexte est toutefois adverse car marqué par le durcissement des conditions de financement.
    • Si le marché du crédit a été exceptionnel en 2022, la dynamique pourrait se tasser en 2023 avec le resserrement des conditions d’octroi de crédit. La hausse des taux directeurs ne s’est pas encore pleinement transmise aux taux d’intérêt sur les crédits aux entreprises.
    • Du côté du capital investissement, le marché mondial a subi un net retournement de cycle en 2022. Le marché du capital-risque français a résisté. Les premiers indicateurs pour 2023 laissent néanmoins attendre une poursuite du tassement, dans un contexte de poursuite du resserrement monétaire.
  • Enfin, concernant l’export, si le marché de l’assurance-crédit a résisté en 2022, 2023 devrait être plus difficile, avec une hausse de la sinistralité attendue au niveau mondial. Les assureurs-crédit pourraient être plus sélectifs dans leur prise en garantie et/ou augmenter les primes. Le contexte serait ainsi moins favorable pour les entreprises exportatrices.
  1. Le contexte macroéconomique est peu porteur en 2023, freiné par les hausses de taux et la persistance des pressions inflationnistes, malgré l’apaisement des tensions sur les approvisionnements

Au niveau mondial, un ralentissement de l’activité est attendu en 2023, suivi d’une légère accélération en 2024 :

  • Les tensions sur les approvisionnements (notamment l’énergie) s’apaisent, éloignant le risque de récession en zone euro. Les prix de l’énergie comme des matières premières industrielles et agricoles restent néanmoins pour la plupart plus élevés qu’avant crise sanitaire. En 2023, les tensions sur les prix de l’énergie (gaz, électricité, pétrole) sont attendus plus modérées.
  • Les pressions inflationnistes se diffusent à l’ensemble de l’économie dans les pays avancés et le retour à la cible d’inflation de 2% n’est envisagé qu’après 2024. Dans ce contexte, les banques centrales maintiennent des perspectives haussières sur leurs taux directeurs.
  • 2023 sera une année de ralentissement économique eu niveau mondial, malgré la réouverture de la Chine, et plus particulièrement en Europe et aux États-Unis. Une légère accélération est attendue en 2024 par les institutions internationales, alors que l’inflation devrait se normaliser mais les taux rester élevés. La réouverture de la Chine, et des facteurs structurels, conduisent toujours à anticiper de solides perspectives de croissance dans certaines zones du monde émergent (Asie, Afrique sub-saharienne, cf ci-dessous). De nombreux aléas entourent les scénarii macroéconomiques, plutôt baissiers : aléas géopolitique, sanitaire, climatique, inflationniste, financier. En particulier, les récentes turbulences dans le secteur bancaire sont restées contenues à ce stade mais constituent un facteur de risque à surveiller.

La croissance française s’est avérée résiliente jusqu’à présent, avec néanmoins des disparités sectorielles. Elle serait faible en 2023 et pourrait quelque peu rebondir en 2024, à la faveur d’un repli de l’inflation et malgré des taux qui resteraient élevés :

  • L’économie française a peu progressé depuis début 2022 et le déclenchement de guerre en Ukraine, en moyenne de +0,1 % par trimestre. Le marché du travail et l’investissement des entreprises sont, eux, restés dynamiques, dans un contexte où :
    • les marges ont en moyenne été sauvegardées et les défaillances sont restées inférieures au niveau d’avant crise malgré un rattrapage en cours ;
    • les taux d’intérêt sont restés nettement inférieurs à l’inflation, ce qui a pu contribuer à soutenir l’investissement, notamment dans la transformation digitale et les économies d’énergie.
  • Mais des disparités sectorielles sont observées dans l’évolution des marges et de l’activité :
    • Côté industrie, la crise sanitaire s’est traduite par une forte baisse de l’activité dans celle des matériels de transports, toutefois en rattrapage en 2022. D’autres industries ont accru leur activité depuis la crise sanitaire, en particulier l’industrie pharmaceutique. Les secteurs les plus exposés aux tensions sur les prix de l’énergie (métallurgie, chimie, papèterie) connaissent une baisse significative de leur production en 2022-début 2023.
  • En 2023, l’activité française serait peu dynamique, pénalisée par les pressions inflationnistes et les hausses de taux d’intérêt. Un rebond limité est attendu en 2024.
    • Les marges des entreprises resteraient dans l’ensemble préservées au moins début 2023 mais risquent de pâtir du contexte inflationniste (énergie, salaires).
    • Les taux d’intérêt resteraient élevés malgré le tassement prévu de l’inflation (hausse des taux réels), rendant l’environnement de l’investissement plus adverse.
    • Pour autant, les besoins d’investissements restent forts. La crise énergétique a notamment accéléré les investissements des TPE et PME pour motif environnemental et la tendance devrait encore prendre de l’ampleur.
  1. Réindustrialisation et transition écologique et énergétique, leviers pour améliorer la compétitivité de l’économie française

Sous l’effet de la hausse de la facture énergétique et de parts de marché à l’exportation qui restent en dessous de leur niveau d’avant crise sanitaire, la France atteint un déficit commercial historique :

  • Le déficit commercial a établi un nouveau record en 2022, à 160 Md€, en grande partie sous l’effet de la hausse des prix des matières premières.
  • La facture énergétique n’explique pas tout : les parts de marché à l’exportation au sein de la zone euro restent inférieures à celles de 2019, et cela dans presque tous les secteurs. À noter que l’automobile et l’aéronautique n’ont pas achevé leur rattrapage post crise sanitaire et expliquent une bonne partie des pertes de part de marché sur les deux dernières années.

La compétitivité coût s’améliore, renforçant l’attractivité du territoire, mais des faiblesses hors coût persistent, notamment un retard en R&D et innovation :

  • Désormais à un niveau proche de celui de l’Allemagne, le coût du travail est bien moins cité parmi les priorités pour renforcer l’attractivité de la France (source : Baromètre EY de l’Attractivité de la France 2022).
  • Les investissements directs en provenance de l’étranger (IDE) sont dynamiques, en particulier depuis 2019, et une part croissante concerne l’industrie manufacturière (32 % du stock d’IDE en 2021 contre 21 % en 2009).
  • Mais un retard en termes de R&D et un déficit d’innovation des entreprises françaises est toujours observé.

La réindustrialisation est une condition nécessaire au redressement de la balance commerciale mais devra surmonter des obstacles :

  • Elle implique un besoin élevé d’investissement et devra s’accompagner une hausse significative de l’emploi industriel, s’il s’agit d’augmenter la part de l’industrie de plusieurs points de PIB (plus de 550 000 emplois supplémentaires par exemple en cas de rebond rapide du poids de l’industrie de 10 à 12 % du PIB en 2030).
  • Des obstacles sur le chemin de la réindustrialisation :
    • La politique américaine (Inflation reduction Act, Chips and Science Act) constitue un risque en termes d’attractivité, renforçant celle des États-Unis au détriment de l’Union Européenne
    • L’attractivité européenne est par ailleurs déjà affectée par la hausse du coût de l’énergie.
    • Mais des opportunités existent en Europe, avec notamment des financements d’ampleur pour supporter les transitions écologique et numérique.
  • Dans un contexte où les besoins d’investissement sont élevés, en particulier en vue de la transition écologique et énergétique (TEE), on relève que la crise énergétique a accéléré les investissements « verts » des TPE-PME. Les besoins vont rester très importants, alors que les conditions de financement se durcissent.
  1. Focus sur le marché du financement et de la garantie

Le marché du crédit est finalement resté dynamique en 2022 malgré les hausses de taux :

  • La production de crédit aux entreprises a connu une augmentation de +16 % en 2022 par rapport à 2021, en dépit de la hausse des taux d’intérêt. Les conditions d’octroi de crédit se resserrent progressivement : si les taux d’octroi de crédit sont restés favorables en 2022, en particulier pour le crédit à l’investissement, la proportion d’entreprises déclarant des difficultés pour financer leurs investissements a quelque peu augmenté, d’après les enquêtes auprès des TPE et PME de Bpifrance Le Lab.
  • Les banques françaises se sont montrées résilientes en 2022, en dépit des incertitudes macro-économiques.
  • La répercussion de la hausse des taux sur la santé financière des entreprises et donc les risques de défaut pourrait mettre du temps à se matérialiser, les entreprises françaises étant globalement endettées à taux fixe et sur une maturité plutôt longue.

Le poids de Bpifrance est en légère baisse sur le marché du crédit en 2022 :

  • Dans ce contexte et du fait d’une production de crédit restée stable pour Bpifrance en 2022, le poids de Bpifrance connaît une légère baisse sur les prêts sans garantie et le cofinancement.
  1. Focus sur l’investissement

Le marché mondial du capital-investissement a subi un net retournement de cycle en 2022 :

  • Cela se traduit à la fois par une baisse des investissements (respectivement −28 % et −35 % sur les segments du « venture / growth capital » et du « buyout » d’après Bain) et dans une moindre mesure par une contraction de la collecte des gérants de fonds (respectivement -11 % et -16 %). Bien que les fonds disposent d’un capital restant à investir (« dry powder ») historiquement élevé, l’absence de visibilité sur les perspectives de marché ainsi que le resserrement de la politique monétaire devraient peser sur l’évolution du marché en 2023. À cet égard, les données disponibles sur le 1er trimestre 2023 témoignent d’une poursuite de la baisse des investissements, quels que soient la zone géographique ou le segment de marché.

Le marché français du capital-risque a globalement bien résisté à cette conjoncture difficile

  • Il affiche une hausse des montants levés par les start-ups françaises de +17 % en 2022 (d’après le baromètre EY). La France est ainsi le deuxième marché européen en termes de montants levés par les start-ups (13,5 Md€), devant l’Allemagne (10 Md€) mais encore nettement derrière le Royaume-Uni (27,5 Md€).
  • Bpifrance a accompagné cette dynamique en gardant un poids globalement stable dans les levées de fonds (environ 5 % via son activité d’investissement direct).
  • Les investissements des fonds français de capital-investissement ont également augmenté sur les principaux marchés de Bpifrance (capital-innovation, capital développement), mais la collecte des gérants s’est en revanche contractée sur le deuxième semestre (−38 % par rapport au second semestre 2021), augurant potentiellement d’un environnement de levée plus difficile pour les gérants français en 2023.
  1.  Focus sur l’export

Les parts de marché à l’export de la France sont orientées à la baisse depuis 20 ans, alors que les implantations à l’étranger ont progressé :

  • Le repli des parts de marché concerne tous les secteurs à l’exception du secteur « Aéronautique/ spatial ». Le nombre de filiales d’entreprises françaises à l’étranger a en revanche progressé (+33 % en 10 ans), surtout en Asie et Afrique.

L’international constitue un relai de croissance indispensable pour les entreprises françaises. Le potentiel de croissance de certaines zones géographiques résiste malgré une économie mondiale en proie à l’inflation et à la montée des taux :

  • En 2023, le taux de croissance dans les pays émergents devrait se stabiliser, en moyenne, grâce au rebond de l’économie chinoise (+5,2 %) lié à la sortie de la stratégie 0-Covid. Hors Chine, la croissance dans les pays émergents ralentirait, avec toutefois de fortes disparités selon les zones. L’Asie et l’Afrique sub-saharienne seraient les plus dynamiques : l’Asie du Sud devrait afficher la croissance la plus dynamique (autour de +5,5 % à +6 %), tirée par l’activité en Inde. La croissance de la zone sub-saharienne (+3,6 % en 2023) serait contrainte dans les plus grandes économies (Afrique du Sud, Nigéria) mais porteuse en Afrique de l’Ouest (zone franc) et en Afrique de l’Est. En Amérique Latine, l’activité décélèrerait dans un contexte d’inflation et de taux élevés. Au Moyen Orient et en Afrique du Nord, la croissance serait portée par les secteurs hors pétrole (tourisme, immobilier, finance) dans les pays exportateurs d’hydrocarbures, et décèlerait dans les pays importateurs d’hydrocarbures. Dans les PECO, les perturbations liées au conflit en Ukraine (inflation) et le ralentissement attendu en UE pèseront sur les perspectives.

L’année 2023 devrait être plus difficile que 2022 pour le marché mondial de l’Assurance-crédit avec une hausse attendue de la sinistralité.

  • Les assureurs-crédit pourraient être plus sélectifs dans leur prise en garantie et/ou augmenter les primes.
  1. Focus sur la création d’entreprise

En 2022, les créations d’entreprises connaissent une hausse moins prononcée qu’en 2021 (+2 % après +17 %). Représentant plus de la moitié des immatriculations, la dynamique des micro-entrepreneurs s’essouffle en 2022.

Les soutiens de Bpifrance à la création et à la transmission d’entreprise sont en hausse en 2022, la garantie étant l’instrument de soutien à l’immense majorité des projets.