Entrepreneurs, êtes-vous optimistes ?

Le 1er juillet s’est tenue, à l’Hôtel de Pomereu à Paris, la conférence de Bpifrance le Lab. Au programme : la première étude publiée du Lab. Le thème : « Les chefs d’entreprise savent-ils anticiper leur avenir ? ».

  • Temps de lecture: 5 min

Organisée sous forme de petit déjeuner débat, la présentation de cette étude a regroupé de nombreux spécialistes : Bertrand Finet (directeur exécutif Fonds propres PME de Bpifrance), Stéphane Guéné (sous-directeur du diagnostic et des prévisions à la direction Générale du Trésor), David Thesmar (professeur de Finance à HEC Paris), Marie Meynadier (directrice générale de EOS Imaging) et Ludovic Subran (chef économiste du groupe Euler Hermes).

En mai 2014, on enregistre un léger regain d’optimisme chez les entrepreneurs par rapport à novembre 2013, dans un contexte de reprise encore très indécise. L’optimisme est une donnée majeure pour la croissance et la santé économique : « Les psychologues disent que l’optimisme est une marque de santé mentale ! », martèle David Thesmar.

Revenons sur 6 points à retenir de cette table ronde très riche.

A la base de l’étude, les réponses des dirigeants de PME interrogés entre 2004 et 2013 dans le cadre de l’enquête de conjoncture de Bpifrance. Ces derniers ont été questionnés chaque semestre sur l’évolution de leur activité. Si la somme de leurs réponses retranscrit bien les mouvements de l’économie (le PIB), on peut observer un décrochage sur certaines périodes, ce qui est le cas pour d’autres enquêtes comme l’explique Stéphane Guéné.

En effet, leur capacité à anticiper est liée à la santé macroéconomique et microéconomique ambiante. Ainsi, et l’étude le montre, les chefs d’entreprises interrogés sur leur avenir se raccrochent souvent à ce qu’ils vivent au moment présent. Cette forme de biais les conduit souvent à mal anticiper les retournements (et ce ne sont pas les seuls, se sont accordés à dire les participants). Ils se retrouvent alors tour à tour trop optimistes ou trop pessimistes. Au total sur les 10 ans couverts par l’étude, prévisions optimistes et pessimistes se retrouvent dans des proportions proches (respectivement 14% et 17%).

1. Des chefs d’entreprises prudents

Sur les 24 000 entrepreneurs amenés à se prononcer chaque semestre sur l’évolution de leur activité entre 2004 et 2013 (hausse/stabilité/baisse), 50 % d’entre eux ont pronostiqué une stabilité de leur activité pour l’année suivante. Or, seulement 10 % ont effectivement observé cette stabilité. Ce qui pourrait s’apparenter à une posture de prudence face à l’avenir (souvent incertain) conduit donc à un certain nombre d’erreurs d’appréciation. Or comme le rappelle Ludovic Subran « hausse ou baisse, mieux vaut se positionner ! ».

2. Les meilleures prévisions sont liées à l’innovation, l’ouverture sur les marchés extérieurs et la taille de l’entreprise

L’étude met en évidence cependant un certain nombre de profils de PME en France mieux outillées pour formuler des prévisions correctes. Les entreprises innovantes, soit celles qui ont par exemple acquis des brevets ou effectué des investissements en Recherche et Développement, ont ainsi tendance, année après année, à bien anticiper l’évolution de leur activité. De même que les PME exportatrices et plus généralement les grandes PME. Pour Marie Meynadier et Ludovic Subran, se positionner à l’export par exemple « permet de lisser son activité entre différentes zones » et de mieux résister aux chocs, ce qui permet d’éviter les mauvaises surprises sur ses prévisions globales. Par ailleurs, l’utilisation de son réseau est une bonne manière d’apprécier le risque dans son environnement.

3. Les erreurs ne sont pas neutres sur les décisions d’investissement

Les prévisions d’activité des chefs d’entreprise sont déterminantes pour les décisions d’investissement. En effet pour Ludovic Subran, « la seule raison qui motive l’investissement reste la demande, c’est le seul moteur. ». Pour ceux dont les pronostics se révèlent trop pessimistes, il y aurait donc là un facteur bloquant, ce que montre en pratique l’étude. En effet, ces derniers, face à une accumulation de bonnes surprises par rapport à leurs prévisions initiales, n’apparaissent pas ajuster à la hausse leurs dépenses d’investissement.

4. Une gouvernance en balance : le secret d’une activité pérenne

Les interventions se multiplient et les points de vue convergent vers une idée qualifiée de « structurelle » pour assurer la pérennité d’une entreprise : il s’agit d’avoir en permanence ce que les participants à la table ronde ont qualifié de « contre-pouvoir ». Une entité interne (comptable, trésorier) ou externe (banquiers, investisseurs) qui aurait pour vocation de tempérer chaque décision, qu’elle soit motivée par un élan d’optimisme ou de pessimisme.

5. « Les gens sont plus optimistes quand l’environnement est neuf »

Retenons également le fait que l’optimisme d’un entrepreneur n’est pas forcément rationnel mais toujours contextualisé. Ainsi la plupart des entrepreneurs seront optimistes à la création de leur activité, ou plus généralement lorsque l’environnement est « neuf », comme le souligne David Thesmar. Si l’entrepreneur pense avoir trouvé l’idée ou le créneau innovant, il aura une propension accrue à la prise de risque notamment en termes d’investissements et d’exportation.

6. « Se tromper… Ce n’est pas grave »

Dernier point à retenir : l’échec. L’entrepreneur a peur de l’échec et c’est le paramètre qui régule sa prise de risque et donc la perception de son activité. S’il prend des risques, il sera qualifié d’optimiste. Or un entrepreneur doit constamment prendre des risques, faire des paris sur l’avenir et avoir confiance en son entreprise, notamment au début de son activité, comme le souligne Marie Meynadier, « Il vaut mieux essayer d’avancer et se tromper plutôt que de ne pas essayer et régresser. C’est normal de se tromper au début - moins plus tard - ce n’est pas grave. », ce à quoi ajoute Bertrand Finet : « Les investisseurs également se trompent ! ». Et Ludovic Subran de conclure « Se tromper ou ne pas se tromper : on s’en moque. Tant que l’économie va, ça suffit ! ».