Fif Tobossi [Booska-P]: La passion du rap qui mène à l’entrepreneuriat

Fif Tobossi est l’un des fondateurs du média Booska-P, spécialisé dans la culture urbaine. L’entrepreneur a réussi à faire de sa passion, une réussite. Le site s’inscrit aujourd’hui comme l’une des références dans son domaine. Récit d’une histoire passionnelle.

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« Si tu veux faire des films, t'as juste besoin d'un truc qui filme ». Fif Tobossi a fait de cette citation d’Orelsan, le résumé de sa carrière. En 2005, il lance le site Booska-P où il publie ses vidéos avec les rappeurs de son quartier. Aujourd'hui, c’est une référence médiatique dans le domaine de la culture urbaine qui cumule des millions d’abonnés sur les réseaux sociaux. D’un projet partie d’une passion, Fif Tobossi est un chef d’entreprise accompli qui souhaite désormais se diversifier. Il a récemment monté sa boîte de production 696 Production.

« Je voulais faire partie de ceux qui font l’histoire du rap »

Fif a toujours été bercé par ce style musical. « Mon grand frère achetait pleins d’albums de rap donc forcément j’écoutais aussi. On s’identifiait aux rappeurs qui venaient parfois du même quartier que nous ». Mais si beaucoup se laissent alors tenter par l’écriture de texte, Fif est curieux de connaître les individus qui se cachent derrière cette industrie. « Ce qui me plait, ce sont ceux qui sont dans l’ombre. Les managers, les producteurs, les dirigeants de label… Tous ces gens qui dirigent le milieu du rap, sans être rappeurs. Je voulais faire partie de ceux qui font l’histoire du rap ». Quand il s’agit de s’intéresser aux premiers concernés, ce sont les coulisses qui l’attirent.

En 2002, la radio Skyrock lance Urban Peace, un concert qui rassemble plusieurs rappeurs. Sans billets, Fif met tout en œuvre pour y participer. « J’ai travaillé dans une agence de sécurité qui s’occupait de l’évènement ». Sur place, il croise Fred Musa, animateur emblématique de la radio avec son émission Planète rap où les rappeurs viennent présenter leurs projets. Le jeune passionné tente sa chance et demande de venir assister aux émissions. L’animateur accepte. « J’étais comme un fou, j’y allais tous les vendredis. J’avais le caméscope de ma mère et je filmais au moment de la pub pour montrer les coulisses à mes amis ».

Le trio fondateur de Booska-P

En parallèle de ses études de comptabilité, le jeune vidéaste achète son premier logiciel de montage, une caméra et peaufine sa technique. « Apprendre le montage m’a permis de m’éloigner du quartier où l’oisiveté est mère de tous les vices ». Son projet : suivre le rappeur star de son quartier, Ol’Kainry et le filmer dans son quotidien pour en faire un DVD. « Ça ne s’est jamais fait » s’amuse Fif.

Toutes ces initiatives lui ont permis de rencontrer Alexis, spécialisé dans l’informatique, qui deviendra l’un des trois fondateurs du média. Comme Fif, c’est un amateur de rap, tandis que le troisième fondateur, Amadou, meilleur ami de Fif depuis toujours, est passionné par le cinéma. « À la base, on voulait faire des documentaires ainsi que des courts métrages ». En 2005, ils créent leur site internet, Booska-P. Le nom fait référence à l’un des personnages principaux du film La Cité de Dieu, qui s’improvise reporter en plein cœur de sa favela au Brésil. « C’est un gars de mon quartier qui m’a appelé comme ça un jour, parce que j’étais tout le temps avec ma caméra ». Ce nom leur permet de ne pas se cloisonner seulement au rap. « On aime le rap mais on aime aussi le cinéma, le sport. Le but était d’avoir un nom qui n’avait rien à voir avec le rap, pour qu’un jour on puisse se diversifier ». Aujourd’hui, le site à des rubriques spécialisées dans le cinéma, le lifestyle, le sport, etc.

« Nous n’avons jamais eu besoin de faire de levées de fonds »

« Lorsqu’on sort notre site en 2005, c’est une période où tous les rappeurs sortent des gros projets. On les accompagnait 7 jours sur 7, on ne faisait plus que ça ». Contacté par de plus en plus d’artistes, les trois jeunes associés ont dû très vite se structurer. « Au début, nous avions créé une association. Mais on commençait à toucher de l’argent. On a dû créer une société en 2007, sans même savoir comment faire » se souvient Fif. « On a tout appris sur le tas. J’ai mis du temps à comprendre pourquoi l’argent qu’on touchait ne nous revenait pas entièrement » s’amuse le co-fondateur. Aujourd’hui l’entreprise emploie une vingtaine d’employés.

« On continue de se développer. Pour l’instant nous n’avons jamais eu besoin de faire de levées de fonds, mais c’est peut-être la future étape ». Cette étape, le chef d’entreprise la craint : « Je ne veux pas perdre notre indépendance. Quand tu es un lion c’est dur d’être mis en cage », plaisante-t-il.

Fif Tobossi souhaite à présent revenir à ses premiers projets : filmer et produire des documentaires et courts métrages. Il a récemment créé sa boîte de production, 696 Production. Sa dernière réalisation : une série sur les femmes du rap diffusé sur la chaîne youtube du Mouv’. Le rap est un business qui se développe de plus en plus. « Tout le monde souhaite se l’approprier. Mais c’est nous les premiers concernés qui en parlons le mieux » Avec sa boîte de production, Fif va réaliser des documentaires et des courts métrages sur des thèmes de société en lien avec la culture urbaine. « Mon but est de les diffuser sur des chaines comme Arte et ainsi sortir de ma zone de confort ».