New Space : industrie stratégique à suivre de près

Kinéis, le champion français du NewSpace qui a intégré le Next40

1 an après une levée de fonds de 100 millions d’euros, l’opérateur français de nano-satellites pour l’IoT, Kinéis, a intégré le Next40. Alexandre Tisserant, président de la startup membre de la communauté Les Excellence, revient sur les récents succès de la startup toulousaine.

Kineis

Le NewSpace made in France n’a pas fini de faire parler de lui. Créée en 2018, Kinéis a hérité de quarante ans d'expertise du Centre national d’études spatiales (CNES) et du groupe CLS (Collecte Localisation Satellites) sur le système Argos. Basée à Toulouse, l’entreprise se définit comme un opérateur satellitaire de connectivité globale dédié à l’internet des objets. « Dans les faits, on opère des satellites qui permettent de faire communiquer des terminaux installés sur des objets pour les connecter. Comme un opérateur télécom, sauf que nos stations de relais sont dans l’espace », explique Alexandre Tisserant, son président.
Après une levée de fonds record de 100 millions d’euros en 2020, à laquelle Bpifrance a participé via son fonds SPI, les bonnes nouvelles continuent pour la startup qui vient de rejoindre le Next40, une sélection des 40 startups françaises ayant le potentiel de devenir rapidement des leaders technologiques mondiaux.

Bpifrance. Vous venez d’intégrer le Next40. Qu’est-ce que ça représente pour vous ?

Alexandre Tisserant. Intégrer le Next40 nous permet de gagner en visibilité en France et à l’international. C’est clé pour nous car, à terme, les trois-quarts de notre business se feront en dehors de l’Europe. Et être lauréat de ce programme est aussi une belle reconnaissance de l’aventure Kinéis, du projet et des équipes qui travaillent dessus. Nous avons plus que doublé nos effectifs l’année dernière et nous sommes maintenant une cinquantaine de collaborateurs.

B. Des recrutements permis grâce à votre dernière levée de fonds ?

AT. Oui mais pas seulement. Grâce à ce tour de table, nous avons sécurisé quasiment tous nos contrats fournisseurs, que ce soit pour la fabrication des 25 nano-satellites, des antennes qu’on embarque à bord, les stations au sol, la construction de notre futur data center. Enfin, nous avons aussi développé de nombreux outils et produits techniques - des petites briques d’électronique de quelques centimètres de côté - pour permettre le développement simplifié de nouveaux terminaux.

B. Et à quoi servent ces terminaux ?

AT. C’est bien d’avoir les satellites et le réseau de stations pour collecter la donnée mais encore faut-il qu’il y ait des objets qui émettent de la donnée ! Pour ça, il faut des petits capteurs – ou terminaux – qui existent en partie mais pour lesquels on veut développer beaucoup plus l’écosystème et faire baisser les prix pour les clients. Ils sont très importants parce que c’est leur existence même qui va faire que des clients vont être intéressés par la technologie. 

B. Justement, qui sont vos clients ? 

AT. Ils sont multiples. Nos satellites déjà actifs servent principalement aux usages liés à la science et à l’environnement comme le suivi d’animaux sauvages ou de bateaux de pêche à des fins scientifiques ou institutionnelles. Au-delà de ces services rendus avec CLS, notre maison mère (et notre incubateur en réalité), nous adressons aussi des marchés adjacents comme l’agriculture intelligente, avec du suivi de troupeaux ou de bétails sur de très grandes zones en Australie ou en Amérique du sud par exemple. Nos solutions peuvent également servir à monitorer des sols, surveiller des réseaux d’infrastructures, ou encore être utiles aux secteurs du transport et de la logistique.

B. C’est donc l’émergence du NewSpace qui permet ces nouveaux usages ?

AT. Le terme commence à être un peu galvaudé, ça fait quelques années qu’on en parle maintenant. Le NewSpace caractérise un certain nombre de choses : une miniaturisation et une standardisation de tous les composants qu’on peut envoyer dans l’espace, ce qui permet de faire des satellites plus petits, moins chers et donc en plus grand nombre. Mais oui, ça ouvre la porte à de nouveaux usages mais aussi à de nouveaux défis.

B. En parlant de défis, quelles sont les prochaines étapes pour Kinéis ?

AT. Elles sont nombreuses. Fin 2021, nous attendons la livraison, à Toulouse, de la première de nos stations-sol, ces fameuses paraboles que nous allons disposer tout autour de la planète, qui reçoivent les signaux de nos satellites. Toujours en fin d’année, nous devrions recevoir les premiers éléments manufacturés de satellites et livrer une nouvelle version de notre centre de services. Il s’agit de l’infrastructure web sur lequel nos clients pourront visualiser et gérer leurs données ainsi que leur parc de terminaux. D’ailleurs, celui-ci sera hébergé chez le français cegedim.cloud. C’est une première dans le monde du spatial, puisque nous y hébergerons aussi le centre de contrôle de notre constellation de satellites et que nous embarquons le CNES dans cette aventure.
Ensuite, d’ici un an, nous allons lancer une balise individuelle, équipée d’un système de Search & Rescue, COSPAS-SARSAT, destinée aux sportifs en montagne ou dans le désert. Le système existe déjà, mais uniquement avec la fonction secours. Vous achetez une balise et espérez ne jamais avoir à vous en servir. Nous avons donc décidé d’y intégrer des fonctions de tracking et de cartographie pour un usage à la fois récréatif et sécuritaire.
Enfin, le jalon le plus important, nous lancerons début 2023 notre constellation de 25 nano-satellites pour compléter et améliorer notre service actuel.

B. Comment on lance un nano satellite ?

AT. Tout comme les satellites classiques, on utilise un lanceur, ou une fusée si vous préférez. La différence, c’est que nos satellites sont beaucoup plus petits, entre 25 et 30 kg chacun, là où les satellites classiques font quelques centaines de kilos, voire beaucoup plus. Même si nous les lançons par paquet de 5, nous n’arrivons qu’à 150 kg à lancer en une fois. Or, le plus petit des lanceurs de chez Ariane transporte au moins une tonne à l’altitude à laquelle on va (ndlr : 650 km d’altitude). Et comme ils ont besoin de remplir leur lanceur pour être rentable, nous ne sommes que des passagers qui ne décidons ni de la date, ni du lieu de départ. C’est un problème car nous avons 25 satellites à placer à des endroits précis, donc 5 lancements, pour que la qualité de service soit au rendez-vous.

B. Vous avez donc besoin de lanceur adapté.

AT. Tout à fait. Pour cela, nous faisons appel à des lanceurs européens, mais aussi des micro-lanceurs – de nouveaux lanceurs qui ont émergé avec cette économie du NewSpace – qui sont beaucoup plus petits et lancent moins en capacité là où les dernières décennies, on observait plutôt une compétition à lancer de plus en plus lourd, de plus en plus loin. A l’inverse, ces nouveaux acteurs se positionnent sur un marché de la flexibilité des lancements, où on lance avant tout quand on veut et où on veut et c’est exactement ce dont nous avons besoin pour 2023.

Constellation Kineis

 

Photo 1: Alexandre Tisserant-Président de Kinéis-©Kinéis-Nuuk-photographies
Photo 2: Constellation Kinéis ©Kinéis