Energies renouvelables en France : enjeux et perspectives

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La géothermie, une énergie renouvelable encore sous exploitée en France

La géothermie permet de produire différents types d’énergie, mais son potentiel reste encore peu exploité en France. Robin Apolit, responsable géothermie au sein du syndicat des énergies renouvelables revient sur le secteur et ses perspectives.

geothermie

Qu'est-ce que la géothermie ? Définition et principe

La géothermie, du grec géo (« la Terre ») et thermos (« la chaleur »), est une énergie renouvelable permettant de produire de l’électricité, de la chaleur, du froid, du rafraichissement, tout ça à moindre coût. Cette énergie peut être utilisée partout dans le monde et donc évidemment, en France, notamment pour la production d’eau chaude. « La géothermie définit l’ensemble des technologies utilisées pour exploiter l’énergie naturellement stockée sous nos pieds dans la terre, sous forme de chaleur », explique Robin Apolit, responsable géothermie au sein du syndicat des énergies renouvelables (SER). Une définition utilisée également par le site d’information Géothermies, déployé par l’Agence de la transition écologique (ADEME) et par le Bureau de recherche géologiques et minières (BRGM). Il existe plusieurs types de géothermies (basse énergie, moyenne énergie, haute énergie, de surface).  

Comment fonctionne l’énergie géothermique ? 

La géothermie est une énergie thermique contenue dans le sous-sol, sous forme de chaleur. Elle exploite la chaleur présente sous la surface terrestre pour produire de l'électricité ou du chauffage. La Terre absorbe en permanence de la chaleur, via les rayons du soleil. Le sous-sol profond de notre planète est lui aussi vecteur d’énergie : plus on creuse, plus la température de la roche augmente (en moyenne d’un degré Celsius tous les trente mètres, parfois jusqu’à 10 degrés dans les zones volcaniques). Ce phénomène s’appelle le « gradient géothermal ». 

Contrairement aux énergies fossiles telles que le pétrole et le gaz naturel, la géothermie tire profit d'une source d'énergie inépuisable.  La chaleur provenant du sol est en effet illimitée. Le processus d'extraction énergétique est simple : des capteurs sont implantés dans le sol à proximité du logement pour intercepter les calories terrestres. Un fluide caloporteur circule dans un circuit, se chargeant des calories. Sous pression, ce liquide s'évapore en libérant la chaleur à l'intérieur du système de chauffage. L'énergie géothermique présente l'avantage écologique majeur de nécessiter d’une faible consommation électrique et de produire très peu de CO2.  

 

Schéma : principe de fonctionnement d’une centrale géothermique sur réseau de chaleur 

Fonctionnement d'un réseau de chaleur © ADEME-BRGM et © Geothermies.fr 
Fonctionnement d'un réseau de chaleur © ADEME-BRGM et © Geothermies.fr 

 

Quels sont les 3 types de géothermie ? 

Il existe 3 catégories de géothermie qui sont généralement classées en fonction de la température des ressources géothermiques :  

  • La géothermie très basse énergie (très basse température) ou géothermie de surface (moins de 30 °C) 
  • La géothermie basse énergie (basse température) (30 à 90 °C) 
  • La géothermie haute énergie (haute température /haute enthalpie) ou géothermie profonde (plus de 100 °C) 

Ces 3 types de géothermie proviennent de différentes installations telles que les pompes à chaleur, les installations hydrothermales (exploitation des sources d’eau naturellement chaude) et les installations pétrothermales. 

 

La géothermie très basse énergie (très basse température) ou géothermie de surface (moins de 30 °C) 

La géothermie de surface désigne les technologies exploitant une ressource géothermale de température inférieure à 30°C, qui se situe à moins de 200 m de profondeur. 

La géothermie de surface, aussi appelée géothermie très basse énergie ou très basse température, est un investissement, rentable, mais méconnu des particuliers. Elle recouvre l’ensemble des techniques de valorisation de l’énergie du sous-sol peu profond. Depuis une dizaine d’années, le nombre d’installations implantées chaque année dans les foyers individuels n’a fait que diminuer, passant de 21 725 en 2008 à 3005 en 2020. Pour l’utiliser dans les foyers, une pompe à chaleur (PAC) est nécessaire pour permettre une géothermie sur capteur horizontal, sur capteur vertical, sur aquifère superficiel ou sur champ de sonde. L’engouement en 2008 s’explique notamment par les annonces du Grenelle de l’Environnement (2007) où il était question de développer la géothermie. Aujourd’hui, les objectifs de la filière fixés par la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) manquent d’ambitions. « D’ici 2023, 4,6 TW doivent être installés, or on a déjà atteint 4,7 TW », démontre Robin Apolit. 

Aujourd’hui, 75 % de l’énergie produite par cette ressource renouvelable correspond à la géothermie de surface. « Fin 2020, elle représentait 3 % de la chaleur renouvelable en France ». C’est d’ailleurs celle qui présente le plus grand potentiel de développement puisqu’elle peut être installée sur 90 % du territoire.  

 

La géothermie basse énergie (basse température) (30 à 90 °C)

Selon le rapport de statistiques.developpement-durable.gouv.fr, “la géothermie de « basse énergie » exploite des aquifères d’une profondeur de plusieurs centaines de mètres à des fins de production de chaleur (chauffage et eau chaude sanitaire), avec un rendement fixé par convention à 50 %”.  

La géothermie haute énergie (haute température /haute enthalpie) ou géothermie profonde (plus de 100 °C)

La géothermie profonde exploite de l’eau géothermale à une température généralement comprise entre 30 et 150°C, se trouvant le plus souvent entre 800 et 2 000 m de profondeur, parfois plus. Selon le rapport de statistiques.developpement-durable.gouv.fr, “la géothermie dite « profonde » (ou « haute température ») est utilisée pour produire de l’électricité (avec un rendement fixé conventionnellement à 10 %)”. 

Si la géothermie de surface reste la plus répandue en France, celle en profondeur n’a pas à rougir. Ce type de géothermie consiste en la valorisation des ressources en eaux profondes généralement comprises entre 400 et 2000 mètres et ne nécessite pas d’installation de pompe à chaleur. Les installations sont généralement situées dans les aquifères profond, dans les zones volcaniques, dans les fossés d’effondrement, et ne nécessitent pas d’installation de pompe à chaleur dans les foyers. En France, les ressources géothermiques profondes se trouvent essentiellement dans des bassins sédimentaires et des bassins d’effondrement (en région parisienne, en région aquitaine, en Alsace, dans les Alpes, dans le Massif Central, dans les Hauts-de-France). Depuis 2010, la France a doublé sa puissance installée en géothermie profonde. Grâce à cette méthode, près d’un million de Français se chauffent aujourd’hui. Son exploitation dans l’Hexagone repose essentiellement sur l’aquifère du Bassin Parisien. Pour vous replonger dans vos souvenirs de cours d’SVT, un aquifère correspond à un sol ou une roche réservoir contenant une nappe d'eau souterraine suffisamment perméable pour que l'eau puisse y circuler librement. Le Dogger parisien, nom donné à l’aquifère parisien, est la région la plus dense en activités géothermiques du monde, avec 54 installations de géothermie profonde en fonctionnement. Mais le reste de la France représente aussi un potentiel de développement de la filière. « Au total, près d’un tiers du territoire français possède une ressource de géothermie profonde valorisable », indique Robin Apolit. 

Pour exploiter d’autres zones de géothermie profonde sur le territoire, « comme le Bassin aquitain ou la nappe du Hainaut dans les Hauts-de-France par exemple, il faudrait mener des campagnes d’exploration pour connaître plus en détail le sous-sol ». La PPE a fixé un objectif de 2,9 TW d’ici 2023. « Nous sommes à 2,5 TW, donc on est sur la bonne voie ». Pour 2028, l’objectif de 5,2 TW, soit plus de 2 millions de Français qui se chaufferaient grâce à la géothermie profonde, pourrait être atteint à condition que des mesures d’accompagnement du développement de la filière soient mises en œuvre. 

A noter également que la production de froid renouvelable est l’un des atouts majeurs de la géothermie avec une très grande efficacité énergétique. Son développement est indispensable pour remplacer les climatiseurs fortement consommateurs d’électricité et qui accentuent la création d’îlots de chaleur urbains. 

 

Cartographie des cibles exploratoires de géothermie profonde et des installations en fonctionnement en France 

Cartographie des cibles exploratoires de géothermie profonde et des installations en fonctionnement en France
© BRGM

 

Un pan de la géothermie profonde permet également de produire simultanément de l’électricité et de la chaleur renouvelables : l’utilisation de la géothermie profonde à haute énergie. « Elle fonctionne avec de l’eau ou de la vapeur d’eau à plus 150 degrés qu’on peut ramener en surface », indique Robin Apolit. « Notre plus gros potentiel avec ce type de géothermie réside en outre-mer, en zones volcaniques, et dans une bien moindre mesure en France métropolitaine où l’on exploite l’eau circulant dans les failles naturelles de la roche », poursuit-il. En 2020, la France comptait deux installations géothermiques électrogènes : la centrale de géothermie de Bouillante en Guadeloupe et celle de Soultz-sous-Forêts en Alsace. Différents projets de sont en cours de développement. Si l’intégralité des projets fonctionne, alors la France métropolitaine comptera d’ici 2028 environ 160 MWe géothermiques renouvelables pour une alimentation locale et continue en électricité et en chauffage par géothermie. Le succès de ces projets permettra également aux entreprises françaises de montrer leur savoir-faire et donc d’avoir de bons atouts pour s’exporter sur le marché international. Si le coût de développement de ces projets demeure assez élevé, le développement de la haute énergie ouvre d’autres perspectives. « Une des idées pour améliorer la rentabilité est d’extraire des coproduits existants dans les eaux géothermales, notamment le lithium qui pourrait être valorisé dans des secteurs divers comme l’industrie automobile ». De nombreux projets sont en cours de développement. 

Quels sont les avantages et les inconvénients de l’énergie géothermique ?

Si cette source d’énergie renouvelable ne se démocratise pas chez les particuliers, c’est en partie en raison de son coût initial. « Il faut compter environ 20 000 euros pour installer une pompe à chaleur géothermique. Mais elle est rentabilisée au bout de 7 ans en moyenne. Cette dernière permet d’économiser 30 à 40 % de la facture finale d’énergie comparée à une solution de référence fossile », indique le responsable de la filière au sein du SER. Des aides étatiques existent, dont MaPrimeRénov, et permettent d’économiser jusqu’à 14 000 euros, mais elles sont réservées aux foyers les plus modestes et ne concernent que les logements en rénovation. « Il faudrait les étendre, y compris aux ménages les plus aisés, qui pourraient plus facilement adopter cette solution, mais aussi les proposer à la construction neuve ». 

L’autre principal frein correspond au manque de communication autour de cette ressource. « On parle souvent d’électricité quand on parle d’énergie renouvelable. Le grand public ne sait pas forcément que près de 80 % de la chaleur qu’on utilise provient d’énergie fossile. On est à peu près à 22 % de chaleur renouvelable alors que l’objectif est de 38 % en 2030 ». Le SER préconise d’augmenter le nombre d’animateurs référents en géothermie dans chaque région pour en faire la promotion. « Il n’y en a que cinq en France ». 

 

Géothermie en France : perspectives d’évolution

La géothermie est une énergie déployée depuis plusieurs années en France, il reste encore beaucoup à faire pour exploiter l’ensemble de ses capacités et ainsi permettre à la France d’atteindre ses objectifs environnementaux et sa transition énergétique.  

Chiffres clés des énergies renouvelables © Statistiques.developpement-durable.gouv.fr 

Chiffres clés des énergies renouvelables © Statistiques.developpement-durable.gouv.fr 

Chiffres clés des énergies renouvelables © Statistiques.developpement-durable.gouv.fr 
Chiffres clés des énergies renouvelables © Statistiques.developpement-durable.gouv.fr

 

En février 2023, le Gouvernement a dévoilé un plan ambitieux comprenant six grands axes et une quinzaine d’actions visant à promouvoir le développement de la géothermie en France. Les objectifs du plan incluent : 

  • La structuration de la filière et le renforcement des capacités de production et de forage 
  • Le développement d'offres de formations
  • Le soutien financier aux porteurs de projets et aux usagers 
  • La sensibilisation des acteurs locaux 
  • La simplification de la réglementation  
  • L'amélioration de la connaissance du sous-sol.  

Le plan ambitionne également d'augmenter de 40% le nombre de projets de géothermie profonde d'ici à 2030, ainsi que de doubler le nombre d'installations de pompes à chaleur géothermique chez les particuliers d'ici à 2025. 

Le terrain de jeu pour les entrepreneurs de l’énergie et de la transition énergétique et écologique est grand, et tout reste à faire dans ce secteur. Depuis quelques années, des formations ont vu le jour pour devenir expert de l’exploitation de l’énergie du sous-sol, des roches ou d’une eau (validation des acquis d’expérience, titre de sondeur en géotechnique). 

Jean baptiste Ganga
Jean Baptiste GANGA Rédacteur web