Le marché brésilien : témoignage d’un entrepreneur

Dans le cadre de notre dossier sur le Brésil, nous avons souhaité recueillir le témoignage d’un entrepreneur qui a su rapidement s’intégrer sur le marché brésilien, Alexandre Rata, président de l’agence Cheeeeese design Ltda au Brésil. Retour sur son parcours en interview.

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L’agence Cheeeeese a été créée en 2000, pourriez-vous nous présenter en quelques mots son activité ?

Cheeeeese est une agence internationale de design et de publicité implantée à Paris, Madrid, Génève, Rio de Janeiro et São Paulo. Elle est née de la volonté de créer une nouvelle forme d’agence avec l’objectif d’ouvrir 10 agences de petites tailles sur 5 continents plutôt qu’une seule grande ! Nous souhaitons apporter une offre sur-mesure à nos clients. Son concept repose sur le design en direct, les designers traitent directement avec eux ; il n’y a aucun intermédiaire.
L’agence travaille sur tous les aspects de la marque aussi bien physiques (packaging, édition, merchandising…) que virtuels (stratégie digitale, application mobile, community management…). Le but étant de pouvoir accompagner les clients en leur offrant une vision globale du branding.

L’agence Cheeeeese est implantée au Brésil depuis trois ans, pourquoi avoir choisi ce pays ?

Tout d’abord, c’était inscrit dans la stratégie de l’entreprise : Cheeeeese avait déjà fait ses preuves avec trois agences en Europe et souhaitait s’étendre sur d’autres continents. Le relationnel a ensuite beaucoup compté dans cette décision. L’agence travaillait déjà avec le Brésil, l’un des associés à Madrid est brésilien et nous étions l’agence en Europe de la marque la plus iconique du Brésil : Havaianas. Beaucoup de facteurs reliaient Cheeeeese à ce pays !

Comment s’est passé votre arrivée sur le marché brésilien, avez-vous rencontré des difficultés ?

La filiale a pu être créée en 2011 grâce au soutien financier de Bpifrance : cette marque de confiance a convaincu aussi notre banque qui a suivi. La première année, nous sommes arrivés à l’équilibre. 5 mois après notre implantation, nous remportions le prix Santos Dumont des Trophées du Commerce Extérieur France-Brésil, parrainé alors par Ubifrance, Bpifrance et la Chambre du Commerce France-Brésil. Ce concours a été un vrai accélérateur, il nous a permis de gagner en visibilité et surtout de jouer la carte de la communauté française ! Le réseau est très important ici ; il y a une vraie entraide entre les Français présents au Brésil. Les conseillers du Commerce Extérieur, Ubifrance, la CCFB et le Consulat de France que je nomme « l’Equipe de France », nous ont tous ouvert leur réseau et sont devenus aussi clients. Nous avons également pu profiter de l’accompagnement d’Ubifrance qui nous a obtenu des rendez-vous très concluants avec des entreprises brésiliennes.

L’autre atout dont nous disposions est mon associée brésilienne. Elle était déjà associée à d’autres sociétés au Brésil et bénéficiait d’une belle expérience de la création d’entreprise. Sa connaissance de la culture brésilienne a représenté un avantage considérable pour en saisir toutes les subtilités. Bien que nous ayons eu des débuts fructueux, notre installation ne s’est pas faite en effet sans difficultés !
Nous avons dû faire face notamment à la complexité de la bureaucratie. L’administration est très stricte. La constitution de notre dossier et la régularisation de l’ensemble des documents nous ont pris beaucoup de temps. Autre exemple, la location de locaux, nous devions absolument avoir un garant brésilien mais ici il n’y a pas de dissociation entre la personne physique et morale, mon associée ne pouvait donc pas l’être. Il nous a fallu alors trouver la personne qui soit extérieure à l’entreprise et qui soit prête à nous assurer.

Au total cinq mois se sont écoulés entre les premières démarches et la création de notre agence ! Et 10 mois pour obtenir tous les visas !

Une autre particularité qui définit la culture brésilienne est leur grande gentillesse, ils ne savent pas dire non : difficile de savoir dans ce contexte si le projet va aboutir ou non. Initialement, nous avions pour projet de développer le packaging, nos deux études de marché en 2009 et 2010, nous semblaient positives : tous les prospects rencontrés étaient très positifs sur notre démarche. En fait les besoins ne sont pas si importants. Nous avons donc dû très vite rebondir en nous concentrant sur les applications mobiles et là enfin la demande a explosé ! Il faut avoir plusieurs cordes à son arc.

Nous travaillons uniquement avec des salariés brésiliens mais au Brésil, le turn-over est très important. La population active aime changer fréquemment d’entreprise. Pour fidéliser nos collaborateurs, nous avons donc mis en place un programme de formation. Le niveau d’éducation étant bas et l’éducation étant très chère, les Brésiliens en sont très friands.

Une dernière difficulté à laquelle nous n’avons heureusement pas été confrontés mais qui est très fréquente au Brésil est qu’il est bien souvent nécessaire d’être déjà installé et déjà dimensionné pour être soutenu alors que cela demande un important financement au départ.

Pour citer Tom Jobim, un musicien brésilien : « le Brésil n’est pas pour les débutants ! »

Auriez-vous des conseils à donner aux entrepreneurs qui souhaiteraient s’installer au Brésil ?

La patience me semble être le premier conseil ; le temps ici est très élastique… Une bonne connaissance du pays est également indispensable aussi bien en termes de législation que de fiscalité d’autant plus que les règles varient selon les Etats. Même si nous étions déjà installés à Rio, lors de notre implantation à São Paulo, nous avons dû tout recommencer et surmonter les mêmes difficultés. Ensuite, choisir un associé local, s’ils le peuvent, afin de comprendre toutes les ficelles de la culture brésilienne et accroître plus facilement leur réseau d’affaires.

Je recommanderais également de jouer la carte du réseau France en s’entourant d’institutionnels, en participant à des dîners entre Français ou encore en suivant par exemple, l’actualité française sur le site lepetitjournal.com qui est le lien de cette communauté. Les entrepreneurs doivent par ailleurs absolument se munir d’un plan B car il est très rare que son projet initial soit le bon. Il faut savoir persister tout en s’adaptant à la demande locale. Je conseillerais aussi aux entrepreneurs de s’installer dans un premier temps à São Paulo, qui est la capitale économique du Brésil, pour se diriger ensuite en dehors du pont aérien qui relie São Paulo et Rio de Janeiro. Il y a un gros potentiel dans les autres villes.

Enfin un dernier conseil : nous contacter ! Nous sommes toujours « HAPPY » d’aider les nouveaux entrants au Brésil.