Marché de la domotique : « Il y a de plus en plus de création de valeur »

Emilie Garcia, responsable du Domaine Ecotechs chez Bpifrance, et Sébastien Montusclat, responsable sectoriel numérique, partagent leur vision du marché florissant de la smart home en France.

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790 millions d’euros. C’est le chiffre d’affaires du secteur de la domotique en France en 2019, selon l’institut d’études de marché GfK. D’année en année, les consommateurs se montrent de plus en plus sensibles aux objets connectés destinés à leur domicile. Emilie Garcia, responsable du Domaine Ecotechs chez Bpifrance et Sébastien Montusclat, responsable sectoriel numérique, font l’état des lieux du secteur.

Comment évolue le marché de la domotique en France ?

Sébastien : Il y a eu une grosse vague autour des objets connectés notamment grâce au mouvement de la French Tech, on a des acteurs de références sur le territoire et surtout avec des approches qui plaisent à l’international. Des entreprises servent également de lieux de consolidation sur le secteur, comme l’acquisition de Sensorwake par Maison Berger qui était plutôt vue comme un acteur « traditionnel » ou celle de Netatmo par Legrand.

Netatmo a évolué de la station météo jusqu’à l’alarme en passant par le thermostat connecté. Ce n’était donc pas juste un simple objet connecté mais une réelle vision du smarthome. C’est un paramètre essentiel pour le succès. Au CES de Las Vegas, la domotique représente chaque année environ 10 à 15% des sujets de la délégation française.
Emilie : Le développement du smart-home est à la fois un signe d’évolution de mode de vie des usagers, et également une première échelle qui s’intègre dans le smart-building, et à plus long terme à la smart-city.

Comment expliquer que le secteur soit si porteur ?

S : Aujourd’hui, on est sur des services beaucoup plus taillés sur-mesure. Il y a de plus en plus de création de valeur.

E : En plus de cette position de service qui plait, les data collectées permettent de créer encore plus de valeur. Les grands acteurs de la construction travaillent vraiment sur les capteurs de data et le traitement et utilisation de ces données afin d’optimiser l’usage et les consommations des bâtiments, et en effet proposer de nouveaux services. De plus, pour la transition énergétique et écologique dans la construction, la réglementation met en avant les objectifs ambitieux d’énergie positive, de zéro-carbone à horizon 2050, et de recyclabilité des déchets. La digitalisation du secteur par, entre autres, l’IoT et l’utilisation des datas est primordiale afin d’accélérer cette transformation du bâtiment vers un modèle responsable et autosuffisant.

Quelles sont les tendances florissantes sur le marché ?

S : La principale tendance est sur la recherche de LA porte d’entrée chez le consommateur. Il y a actuellement une bataille sur la sonnette connectée. A priori, c’est anodin…. Mais quand un livreur vient chez nous et qu’on est absent, la sonnette connectée sert à créer une zone tampon. On va pouvoir, à distance, définir une zone, par exemple dans notre hall d’entrée, pour le laisser déposer le colis sans avoir à attendre et surtout sans le faire repasser un autre jour. A l’échelle des acteurs de la logistique et du e-commerce, c’est une révolution. Les impacts sur le business model, les coûts et la qualité de service sont colossaux. Netatmo, Ring et Arlo se sont déjà penchés sur la question.

La cybersécurité sur la smart home est aussi un enjeu majeur. Les objets connectés ont été faits sans prise en compte des conditions de sécurité. Au début, on entendait beaucoup d’histoires sur des caméras qui se retournent contre les utilisateurs, des objets pour enfants qui deviennent nocifs, etc. Le besoin de cybersécurité sur le smart home est grandissant de la part des consommateurs.

Enfin, il y a un vrai sujet TEE. On voit beaucoup de potentiel, mais il y a encore du travail. On dit que le numérique est bon pour la TEE car on va moins consommer, qu’on va moins polluer. Mais il y a aussi beaucoup de questions liées à l’impact du numérique sur l’environnement. Quand on remontre des données dans le cloud, il faut bien savoir ce qu’on remonte et pourquoi. On constate tout de même qu’il y a une avancée car pour la sonnette connectée, par exemple, si le colis est livré une seule fois, le livreur n’a pas besoin de revenir et c’est donc bénéfique.

Comment voyez-vous l’avenir du secteur ?

S : Sur la recherche de la valeur et de services, on a la chance d’avoir une population d’entreprises du numérique très affûtées. La filière du bâtiment se digitalise, ils intègrent et ils remontent de plus en plus de données mais ils seront incapables seuls du bon niveau de sélection, de filtrage et de combinaison entre ces données. On va donc voir de nouveaux segments où de nouveaux acteurs feront du lien entre ces données remontées pour créer les bons services.

Avant, toutes les données étaient réservées à quelques acteurs et quelques partenaires - les silos - mais ça se démocratise. Toutes les datas peuvent désormais être disséquées et utilisées. Un acteur comme Sagemcom, qui s’est lancé avec succès dans les compteurs intelligents, voit bien ces opportunités. Cependant, le respect des différents règlements ou normes comme le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) doit aussi être anticipé.

Quel enseignement avez-vous tiré de la matrice « Construire le bâtiment de Demain » ?

E : Une des convictions issues de notre matrice « Construire le bâtiment de Demain » dans le cadre du projet interne Demain, est que les nouvelles manières de vivre vont transformer le Bâtiment. L’utilisateur va continuer à aller vers de nouveaux modes de vie : co-living, co-working, nouvelles mobilités, contraintes d’urbanisation. Il sera le centre des Bâtiments de Demain modulables et réversibles. Dans ce contexte, la smart-home permettra d’alimenter le smart-building, en collaboration avec l’usager. Alors que jusqu’ici, ils étaient isolés, ils seront désormais intégrés et interconnectés dans la smart-city et ses infrastructures, comme la future « ville Google » à Toronto.