Nudge, de quoi parle-t-on ?

Théorie du comportement développée en 2017 par Richard Thaler, prix Nobel d’économie, le nudge se développe de plus en plus dans nos espaces communs et nos usages. Découverte. 

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nudge
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Une poubelle en forme de panier de basket dans une gare, un passage piéton en relief pour inciter les automobilistes à freiner, une musique dans les escaliers pour inciter à les emprunter plutôt que de prendre l’escalator… voilà quelques exemples de la théorie du nudge. Détaillée dans le livre de Richard Thaler, Nudge : la méthode douce pour inspirer la bonne décision, le nudging est défini par l'économiste comme un « coup de coude vertueux ». Il consiste à changer quelques éléments de l’environnement du décideur pour le pousser à mieux agir : bien trier les déchets, être plus prudent, agir pour le bien de la planète etc. Popularisée par l’ancien président des Etats-Unis Barack Obama ou plus récemment déployée par le gouvernement français pendant la crise de Covid-19, la communication nudge est depuis quelques années au cœur de nombreuses campagnes marketing. Le mantra est clair : inciter sans contraindre.  

Des exemples de nudge marketing  

Le “nudge poubelle” est peut-être l’une des applications les plus répandues de cette théorie du comportement. A Lille, afin de favoriser le tri sélectif et d’encourager de meilleurs comportements citoyens, la mairie a installé plus de 40 nudges autour des poubelles du centre-ville (marelle, panier de basket, traces de pas…) afin d’attirer l'attention des citoyens et d’éviter l'accumulation de détritus sur les trottoirs.  Efficace, cette théorie de l’économie comportementale, utilise nos biais cognitifs. Très souvent, la décision humaine est prise par défaut, un détail : une couleur, une position, peut agir sur notre choix sans qu’on en ait conscience.  

Pour inciter ce changement ou cette prise de décision, le nudge s'appuie sur le modèle SOFA : Social, Opportun, Facile et Attrayant. L'objectif : encourager l’utilisateur plutôt que le contraindre. Historiquement, la théorie a été utilisée en marketing, mais depuis la popularisation du concept, grâce au livre de Richard Thaler, la méthode fait des adeptes dans bien des domaines : transition énergétique et écologique (green nudge), politique ou encore management en entreprise. En atteste les récents essais de nudge dans des entreprises telles que Google, eBay ou EDF. Plusieurs stratégies de ressources humaines utilisent d’ailleurs ce « coup de coude » pour motiver les salariés à atteindre leurs objectifs ou améliorer leurs pratiques.   

La théorie du nudge au service du management 

Si le nudge a longtemps été utilisé afin d’accompagner la prise de décision des citoyens dans l’espace publique, il s’invite aujourd’hui en entreprise afin de favoriser le management, la dynamique des équipes mais également l’engagement des collaborateurs. Ainsi, grâce au nudge management, un manager est en mesure d’orienter le comportement des employés vers une direction voulue, c’est-à-dire vers la réalisation des objectifs de l’entreprise. Il peut s’agir de visées environnementales (inciter les collaborateurs à faire le tri de leurs déchets), d’optimisation de travail ou même de santé (encourager les employés à prendre plus souvent les escaliers ou à privilégier certains aliments plutôt que d’autres).  

La mise en place du nudge en entreprise implique de miser sur un management participatif, tout en favorisant le bien-être au travail. Car plus vos collaborateurs seront épanouis et engagés dans l’entreprise, plus enclin ils seront à prendre des initiatives favorables au travail collectif. Pour déployer des nudges dans votre entreprise, il est préconisé de suivre trois étapes :  
 

  • Analyser votre environnement de travail ; 

  • Détecter les comportements à améliorer et définir des stratégies pertinentes afin d’atteindre vos objectifs ; 

  • Faire un suivi quotidien de l’évolution des comportements afin de proposer des solutions d’amélioration en cas de problèmes. 

Vers la fin du nudge ?  

Largement décrié par la philosophe Barbara Stiegler ou le sociologue Henri Bergeron, les nudges appliqués à certains secteurs soulèvent aujourd’hui bon nombre d’interrogations, notamment sur l’aspect éthique. Certains les accusent d’être des dispositifs paternalistes, infantilisants, qui cautionneraient une certaine forme de manipulation. Ils pourraient également être à l’origine d’un sentiment de culpabilité chez les personnes qui les contournent délibérément… 
 

Récemment, une méta-analyse de 96 expérimentations conçues pour inciter la population à adopter une alimentation plus saine a été menée par Pierre Chandon, professeur de marketing à l’Institut européen d’administration des affaires de Fontainebleau. Les conclusions de cette étude révèlent que les nudges mettant en avant des systèmes d'étiquetage nutritionnel comme le Nutri-Score - un message qui fait donc directement appel à la responsabilité du consommateur envers lui-même et sa santé - sont moins efficaces que ceux qui touchent aux émotions (comme par exemple les incitations au plaisir de manger). En ce sens, le marketing social pourrait apporter des résultats là où le nudge semble atteindre ses limites. En effet, une étude transversale menée dans le cadre du programme Vivons en Forme - VIF auprès de 6 802 enfants montre qu’entre 2008 et 2015, la prédominance du surpoids et de l’obésité aurait diminué de 28,2 % chez les élèves de grande section de maternelle et de 19,1 % chez ceux de CM2, grâce à des formations, à un accompagnement familial, et à des ateliers pratiques.  

 

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Mélanie Bruxer Rédactrice web