Pascal Lorot [Institut Choiseul] : « Le continent africain demeure très attractif pour les entreprises françaises »

Le Choiseul Africa Business Forum a réuni le 20 octobre dernier des centaines de dirigeants d’entreprises et d’institutions d’Afrique, d’Europe et du Golfe. Entretien avec Pascal Lorot, président de l’Institut Choiseul, qui revient sur les enjeux du continent africain et les opportunités derrière la coopération Afrique-France.

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Choiseul Africa Forum 2022

Bpifrance : Le Choiseul Africa Business Forum, c'est le rendez-vous incontournable du monde des affaires africain. Quels sont les grands enjeux business en Afrique aujourd'hui ? 

Pascal Lorot : La majorité des grands enjeux business du continent ont, je pense, pu être balayés lors de cette intense journée d’échanges. Il s’agit tout d’abord de miser sur l’accélération du numérique et sur ses atouts pour l’ensemble des secteurs économiques. Il y a également de nombreuses opportunités dans la transition vers une économie plus durable, mais aussi plus souveraine, avec à la clef des créations d’emplois, une meilleure croissance économique  et sécurisation des ressources, notamment agroalimentaires, énergétiques et médicales pour pallier les soubresauts des prix sur les marchés internationaux ainsi que les difficultés d’approvisionnement. Enfin, les enjeux business sont indissociables du niveau de qualité de vie des populations, en matière de santé, d’éducation et de formation, ainsi que d’accès aux infrastructures. L’amélioration de ces différents points bénéficie tant aux populations qu’au climat des affaires sur le continent.

Numérique, infrastructures, formation … Les grands enjeux de l’Afrique de demain

B : Quelles opportunités est-ce que cela représente pour les entreprises françaises ?

P. L. : Le continent africain demeure très attractif pour les entreprises françaises. Il y a un véritable enjeu pour elles de ne pas manquer le tournant qui s’observe dans ces différents secteurs en Afrique. On y observe des bouleversements amenés par la transformation numérique, la transition énergétique ou encore la mutation rapide des villes. La concurrence s’est intensifiée et s’est élargie, ce qui pousse nos entreprises à faire preuve de plus grandes capacités d’adaptation aux attentes et aux demandes locales pour co-construire une croissance partagée. Cette hausse de la concurrence sur les marchés africains va de pair avec les progrès opérés en matière de compétitivité par les pays du continent, et d’autres bonnes nouvelles récentes vont en ce sens, à commencer par l’instauration de la ZLECAf  (pour « Zone de libre-échange continentale africaine », entrée en vigueur en janvier 2021 et qui souhaite réunir l’ensemble des pays africains, en faisant la plus grande zone de libre-échange au monde en termes de nombre de pays participants, ndlr). C’est donc dès aujourd’hui que les entreprises françaises doivent davantage repenser et ancrer leur présence en Afrique.

B : Quelle place pour la coopération entre les entreprises françaises et africaines sur ces sujets ?  Quel rôle les décideurs et les institutions jouent dans cette coopération ?

P. L. : Cette coopération est à mon sens d’ores et déjà présente et peut s’approfondir par une amélioration du récit de l’entreprise française en Afrique auprès des opinions publiques du continent. Dans l’immense majorité, ces entreprises emploient de la main d’œuvre locale, créent de la richesse sur place et valorisent les atouts et talents du continent. Il me semble qu’il y a une volonté plus marquée ces derniers temps de la part des décideurs et institutions de soutenir cette coopération entre entreprises françaises et africaines. Nous sommes à titre d’exemple très fiers d’avoir accueilli, entre autres, le Président de la République de Madagascar, le chef du gouvernement du Royaume du Maroc et la Vice-présidente du Bénin lors de ce Forum orienté business avant tout. Sans doute faudrait-il davantage encourager des rencontres et des formes de coopération mettant en scène des dirigeants d’entreprises aux côtés de décideurs politiques et institutionnels. 

Favoriser la coopération entre l’Afrique et la France

B : Comment sont perçues les entreprises françaises en Afrique ?

P. L. : Ce que nous observons nous, c’est que l’envie de faire des affaires perdure quel que soit le climat politique, du moment que ce climat ne va pas jusqu’à volontairement entraver le secteur privé. Il est vrai que dans certains pays africains, la situation sociale et politique a conduit à des heurts dont les entreprises françaises ont pu être victimes, mais je ne pense pas qu’il y ait une réelle hausse de ces incidents, qui visent rarement les entreprises en tant que telles. Dans le cadre business stricto sensu, je pense qu’il convient de relativiser la réalité d’un « sentiment anti-français » en Afrique. Les dirigeants africains et européens sont demandeurs de moments de rencontres et de partages comme l’a été cette troisième édition du Choiseul Africa Business Forum et reconnaissent l’importance d’approfondir les synergies et partenariats.

B : Après la Mauritanie lors de la précédente édition, le Maroc et Madagascar étaient à l'honneur cette année. Qu'est-ce que cela représente ?

P. L. : Mettre des pays à l’honneur lors du Forum nous tient particulièrement à cœur, notamment pour les représentants institutionnels et les dirigeants d’entreprises implantées dans le pays. Cela leur permet d’offrir un retour d’expérience concret aux participants et de mettre en avant les opportunités business sur place. Il ne s’agit pas de faire une promotion de l’attractivité du pays qui serait déconnectée des réalités, mais au contraire de se mettre au niveau d’interrogations ou d’hésitations qu’un entrepreneur désireux d’investir dans le pays peut rencontrer. L’objectif est de faire mûrir des projets stimulants, innovants, qui puissent s’inscrire dans le temps long.