Rencontres économiques d’Aix-en-Provence : un regard sur le monde Demain

Intelligence artificielle, secteurs et compétences de demain, révolution numérique, libre-échange, migrations, climat sont autant de défis que nos sociétés doivent relever. Ils ont été au cœur de la 18e édition du rendez-vous annuel du Cercle des économistes, placé cette année sous le signe des « métamorphoses ».

  • Temps de lecture: 5 min

« Il y a une rupture, peut-être un changement de monde » : voilà l’hypothèse, lancée en ouverture des 18e Rencontres économiques d’Aix-en-Provence, par Hervé Lorenzi, Président du Cercle des économistes, qui organise chaque année dans la cité provençale ce rendez-vous incontournable des experts en économie et des décideurs. Cette année, ils ont planché, du 6 au 8 juillet, sur « Les métamorphoses du monde ». Autrement dit, sur les multiples mutations et disruptions que connaissent aujourd’hui nos économies et nos sociétés, à l’heure des nouveaux outils technologiques, des enjeux climatiques, des migrations, de la montée du protectionnisme et de la fin du multilatéralisme. Ce rendez-vous devenu incontournable a accueilli 250 intervenants, quelques 4 000 visiteurs ainsi qu'un village de start-up qui invente le monde de demain créé par Bpifrance.

" Aujourd'hui et ce, pendant 3 jours, nous allons essayer de lancer des pistes qui pourraient permettre un avenir meilleur, un avenir différent, un avenir plus certain ! " JH Lorenzi, président du @Cercle_eco#REAix2018pic.twitter.com/X9WSEVmetO

— Bpifrance (@Bpifrance) 6 juillet 2018

La révolution numérique ne fait que commencer

Mutation majeure qui pose des questions stratégiques et transforme le business, la révolution numérique a été débattue à l'occasion d’une table ronde, dès la première journée. Avec un constat : la révolution numérique ne fait que commencer… D’après Eric Labaye, directeur senior associé du cabinet McKinsey, nous sommes aujourd’hui à l’aube d’une accélération de la révolution numérique, en raison des progrès fulgurants réalisés ces dernières années grâce à la combinaison de plusieurs technologies, dont les objets connectés, le cloud, l’intelligence artificielle et la robotique. Et les entreprises européennes ont du chemin à faire : leur taux de digitalisation se situe à environ 12 %, tandis qu’aux Etats-Unis, il avoisine les 18 %. Avec des écarts élevés entre entreprises, les plus avancées en matière de digitalisation étant aussi celles qui croissent le plus vite.

Dans cette marche vers l’entreprise de demain, où en sont les PME françaises ? Si la prise de conscience d’une digitalisation nécessaire est maintenant acquise, il s’agit pour nombre d’entre elles de savoir par où commencer, d’après Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance. D’une part, Bpifrance aura accueilli d’ici deux ou trois ans un total de 4 000 entreprises dans ses accélérateurs, « ces centres sportifs d’excellence pour entrepreneurs où nous passons en revue l’ensemble de ces sujets, où nous les mettons en relation avec les intégrateurs, les accompagnons et brisons leur solitude », a-t-il souligné. « La deuxième action consiste à encourager un certain nombre de sociétés de services informatiques classiques à devenir des sociétés de services d’informatique industrielle, des SSII, celles qui vont pouvoir faire l’intégration des systèmes de l’usine du futur dans les PME industrielles, à des coûts abordables. »

« Pour répondre aux craintes sur DEMAIN, il faut que les personnes à responsabilités donnent confiance. L’accélération doit être maîtrisée ! Il faut montrer à la société française que l’innovation est formidable ! » @NicolasDufourcq pour @JTjerometichit et @bfmbusiness#REAIx2018pic.twitter.com/UTbzCAr4LC

— Bpifrance (@Bpifrance) 8 juillet 2018

Illustration d’un groupe qui a vécu une véritable mue numérique, Edenred, l’inventeur du ticket restaurant, est aujourd’hui une fintech et un champion des solutions transactionnelles. Selon son PDG, Bertrand Dumazy, l’entreprise n’a pas vécu une, mais cinq révolutions numériques ! Celle du cycle d’innovation, d’abord. Et, dit-il, « les cycles de technologie ne font qu’accélérer». La rapidité d’adoption de ces technologies par les consommateurs, ensuite, qui induit une révolution du time-to-market, accompagnée d’une révolution du management. Enfin, dans une économie numérique, la domination du marché, selon cet entrepreneur, passe par le produit qui mène à l’utilisateur final.
De nouvelles technologies changeront encore sans doute davantage le visage du monde économique et social, à l’image de la 5G. Bien plus rapide que la 4G, elle pourrait permettre l’essor de l’industrie du futur ou celui de la voiture autonome. Même si Ludovic Le Moan, cofondateur de la pépite tricolore Sigfox, nuance ses atouts. La 5G sera non seulement très chère, mais posera également des problèmes environnementaux, d’après ce spécialiste de l’IoT qui a bâti un réseau mondial d’objets connectés et mise sur la zéro G pour collecter des données.

Repenser les compétences

Quelles compétences faudra-t-il pour affronter ce monde nouveau ? Les participants à un autre débat, consacré aux révolutions de demain - toujours plus nombreuses - ont partagé leur vision. Le secteur IT, en combinant l’IA, le machine learning, le Big Data et l’IoT, va révolutionner presque tous les cycles de l’économie, a rappelé Nouriel Roubini, professeur d’économie à l’Université de New York. La production, grâce à la robotique, l’automatisation et la 3D, tout comme les énergies vertes, les biotechnologies, qui permettront une vie plus longue et en meilleure santé, les nouvelles technologies agricoles, la finance et l’assurance de même que l’utilisation des high tech dans la défense seront toutes synonymes de révolutions. Celui qui avait prédit la crise de 2008 est cependant pessimiste en ce qui concerne les conséquences de ces technologies sur l’emploi. Si elles permettront aux personnes très qualifiées de devenir plus productives, les emplois moins qualifiés seront déplacés. « Ce sera une cause majeure de disruption économique et sociale », a-t-il pointé.

De son côté, Antoine Frérot, PDG de Veolia, a identifié les compétences qui seront nécessaires à son entreprise pour répondre aux défis (demande énergétique croissante, nouvelles pollutions…) auxquels elle sera confrontée : celles en sciences du vivant, en sources d'énergie, en nouveaux matériaux, de même qu'en sciences humaines - de l’économie à l’anthropologie en passant par la géopolitique et la philosophie -, sans oublier la curiosité, la créativité et le travail en équipe, le tout accompagné de la maîtrise digitale.

L’intelligence artificielle, l’industrie 4.0, la blockchain, la finance verte, les données, la gouvernance mondiale, les inégalités ont été autant d’autres enjeux explorés lors de cet événement qui a abouti à une déclaration finale. Dans celle-ci, les économistes ont exhorté à la création d’une alliance multilatérale, à un fonctionnement plus efficace de l’Organisation mondiale du commerce et à la reconstruction de l’Europe, ainsi qu'au lancement d’un plan décennal de financement des infrastructures dans le cadre d’un projet euro-africain.