La silver économie, un marché à fort potentiel
- 16 juin 2016
- Temps de lecture: 5 min
Silver économie : la mise en orbite
Le vieillissement de la population bouleverse la donne démographique et ouvre de nouvelles opportunités de développement économique. Les acteurs ont pris conscience de l’importance de structurer une filière dans laquelle l’innovation est appelée à jouer un rôle central.

Le constat est simple, la population française vieillit. Non seulement l’espérance de vie progresse, mais l’arrivée à la retraite des cohortes nées durant les années du baby-boom est en train de bouleverser la pyramide des âges. Quelques chiffres clés permettent de mesurer l’ampleur de ce phénomène.

En 2030, 20 millions de personnes seront âgées de plus 60 ans contre 15 millions aujourd’hui. En 2050, 4,8 millions auront passé les 85 ans contre 1,4 million à l’heure actuelle. Selon le Centre de recherches pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC), 54 % des dépenses réalisées par les particuliers étaient en 2015 le fait de seniors. Des chiffres qui vont aller croissant.
Cette « transition démographique » constitue un enjeu de société et offre une opportunité nouvelle de développement économique. En 2010, comme le raconte Alexis Roche son trésorier, par ailleurs directeur général d’Assystel, société proposant un service de téléassistance, l’association ASIPAG était constituée. Devenue depuis Syndicat national de la silver économie, elle est née « de la volonté d’industriels de se regrouper pour développer une filière d’excellence et fédérer l’ensemble des acteurs, et plus seulement les industriels, constituant son écosystème ». Les événements leur ont donné raison. La silver économie apparaît comme un marché à fort potentiel estimé à 0,25 point de PIB par an et à 93 milliards d’euros qui atteindront 130 milliards en 2030.

Un contrat de filière
2013 aura été une année charnière avec la signature d’un contrat de filière entre le ministère de l’Economie, le secrétariat d’Etat aux personnes âgées et à l’autonomie et, une grande diversité d’acteurs concernés : grands comptes, PME, institutions financières, investisseurs, centres de recherche, etc.
Jusque-là, les industriels positionnés sur le marché ne manquaient pas, mais ce qui caractérise la filière, comme l’explique Jérôme Arnaud, président du cluster Silver Valley et de Doro France, groupe suédois proposant des solutions sur mobiles, c’est « qu’au contraire de l’industrie de l’automobile ou de l’aéronautique par exemple, elle est transverse, touchant à l’habitat, à la domotique, au numérique, aux transports, à la perte d’autonomie, à la santé, aux services à la personne… ». Un spectre très large qui rend difficile la mise en cohérence de tous les acteurs. Difficile, mais pas impossible car ils sont confrontés à des problématiques communes, par exemple, comment toucher les personnes âgées ?
L’accès aux financements un enjeu pour les PME
Le contrat de filière a conduit à la création de clusters sur les territoires. L’Île-de-France et les anciennes régions Aquitaine, Limousin, Lorraine, Normandie, Midi-Pyrénées ou encore Val-de-Loire ont déjà formalisé le leur. Un petit peu à l’image des pôles de compétitivité, ces structures deviennent des lieux d’échanges d’informations, de formation, de mutualisation, de partenariats, de gestion de financements. Silver Valley, par exemple, organise chaque année la bourse Charles Foix sous forme d’appel à projets, permettant à 3 lauréats de recevoir 15 000 euros, mais surtout comme le dit son président, « d’être mis en lumière ». Et ces clusters ne sont pas boudés par les parties prenantes. « Notre objectif était de parvenir à 300 membres 5 ans après notre création ; nous avons 250 adhérents alors que nous n’avons pas encore 3 ans. »
En phase de début de marché
Trois ans après sa « création » la filière avance mais tout n’est pas encore gagné. « Nous sommes en phase de début de marché et nous manquons de notoriété. De plus, il y a très peu de prise de conscience de la population liée au risque de dépendance de parents », souligne Jérôme Arnaud. Aujourd’hui le paysage entrepreneurial de la silver économie est fait de grands comptes et de PME, il n’y a pas assez d’ETI. Ce qui est admis en tout cas, c’est le rôle que jouera l’innovation dans l’émergence de la filière. Les start-up ne manquent pas, conjuguant idées neuves et développement technologique. Cityzen mobility, a lancé un service de transports adapté aux personnes à besoins particuliers, Co-assist s’apprête à commercialiser la téléassistance 2.0, Famileo utilise les réseaux sociaux pour proposer aux personnes âgées éloignées du numérique une gazette familiale imprimée, Happytal propose un service de conciergerie au sein des établissements hospitaliers ou encore, Ubiquid qui trace les vêtements des résidents de maison de retraite grâce à des puces RFID afin qu’ils ne se perdent pas.

Ce ne sont que quelques illustrations, mais chacun est dans les starting blocks. Le 21 mars dernier aux Folies Bergères, dans le cadre de la soirée de gala Silver Night, la plateforme de co-funding Hoolders a levé en direct auprès des invités et en l’espace de deux heures près de 400 000 euros pour des projets en cours de développement. « C’est un signal que le marché est porteur, qu’il faut des investisseurs plus actifs » commente Harnold Zimé, son cofondateur. Benjamin Zimmer, le directeur de la Silver Valley, voit dans tout ce qui bouillonne le signe que « les planètes sont en train de s’aligner et qu’il y a vraiment une économie qui se met en place » : la mise en orbite se prépare.