Start-up et grands groupes font leur miel du nouveau Hub de Bpifrance

Le nouveau Hub de Bpifrance, en plein Paris, est une ruche où chacun s’affaire pour développer l'entreprise. Emulation entre start-up et partage d'information, mais surtout, mise en relation avec des grands groupes : tels sont les objectifs poursuivis.
Et déjà atteints dans certains cas, quelques semaines seulement après l'ouverture !

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N'y voyez aucun symbole : si les ouvriers juchés sur un escabeau ont du mal, ce matin, à accrocher la pancarte « Eldorado ? », face à un petit amphithéâtre - des gradins couverts de coussins aux couleurs vives, et même de gros poufs confortables - dans le nouveau Hub de Bpifrance, boulevard Haussmann, c'est que l'espace n'est ouvert que depuis quelques semaines. Certains, pourtant, y ont déjà trouvé leurs marques. Ce sont les 11 start-up sélectionnées par Bpifrance pour bénéficier d'une mise en relation avec des ETI et des grands groupes, dans le but de les faire passer à une nouvelle phase, plus ambitieuse et plus internationale, de leur développement.

Le Hub Start-Up

Des espaces transparents pour un meilleur partage d'informations

De fait, au delà de l’amphithéâtre et de l'espace réception – agrémenté de fauteuils couleur moutarde et de tables basses dans un style épuré à la scandinave, d'une kitchenette et même d'un babyfoot - le nouveau hub cache derrière ses longues parois de vitres sablées des dizaines de salariés de ces start-up. Côte à côte, ils travaillent, les uns au commercial, les autres au technique, et d'aucuns à cimenter la nouvelle vision de l'entreprise.

Tatiana Jama, Selectionnist

Tiens, une jeune femme semble lire un magazine féminin... En fait, ce n'est pas un hasard. Tatiana Jama est la fondatrice et dirigeante de la société Selectionnist.com. Si elle étudie un magazine, c'est que sa société a imaginé une nouvelle application, lancée en novembre dernier, visant à connecter des images publicitaires à des informations complémentaires et des sites qui vendent les produits - montres, maquillage, vêtements - mis en avant dans les publicités.

Selectionnist

« Trois femmes sur quatre, selon un sondage, déclarent avoir du mal à retrouver un produit vu dans la presse », explique Tatiana Jama. Forte de ce constat, elle a donc imaginé une application qui a déjà séduit une trentaine de magazines avec lesquels la société a noué des accords. « Fini les pages arrachées dans les magazines chez le dentiste ! », s'exclame Tatiana Jama. Il suffit de faire une photo avec son iphone et une fois l'application Selectionnist téléchargée, la lectrice a accès aussi bien à des informations sur le produit qu'à un tutoriel pour poser son mascara ou à un site de vente. « Je suis persuadée que l'expérience papier restera, conclut la jeune femme. Elle montera même en gamme grâce à une connectivité accrue. » Et évidemment, l'appli peut être utilisée avec d'autres supports, masculins, par exemple.
Selectionnist travaille en outre actuellement avec Disney pour faire en sorte de donner accès à des produits dérivés d'un film. « Nous avions envie de nous faire accompagner afin d'obtenir un meilleur accès à de grands groupes, explique la fondatrice. Avec l'aide du Hub de Bpifrance, il nous est plus facile d'identifier les bons interlocuteurs, car Bpifrance bénéficie d'une vraie connaissance de la structure des grands groupes. »

Bpifrance offre visibilité, caution et mise en relations

« Nous servons en quelque sorte de caution pour la start-up qui veut contacter de grands groupes », confirme de son côté Laura Souchko, la responsable du Hub Start-up. Le fait qu'une telle structure ait été sélectionnée par les services de Bpifrance, sur des critères allant d'un business modèle déjà éprouvé à une première levée de fonds réalisée, est déjà un atout pour une petite société. Bpifrance ne s'arrête pas là. Ses équipes organisent des rendez-vous avec des directeurs d'achats, voire le comité exécutif d'une grande entreprise, dans ses locaux.

Delair tech, Benjamin Benharrosh

C'est à l'occasion d'un comex de Total sur place que la société toulousaine Delair a pu « pitcher » ses services – l'utilisation de drones pour l'inspection d'infrastructures, par exemple – aux dirigeants du géant pétrolier. Benjamin Benharrosh, directeur des ventes et du marketing de Delair Tech et seul représentant de l'entreprise dans le Hub pour l'instant, se réjouit. « Nous voulions non seulement ouvrir un bureau à Paris, donc les locaux ici sont parfaits pour nous, mais en plus, nous cherchions à développer les grands comptes », explique-t-il. C'est déjà en partie chose faite. La société avait d'ailleurs lancé un projet pilote avec Total, pour l'inspection de ses gazoducs, avant son entrée au Hub, et compte bien approfondir la relation. Même chose avec EDF pour les lignes électriques et la SNCF pour les rails. « Bpifrance nous permet de nouer des contacts que nous aurions eu du mal à faire seuls. Et le pitch devant le comex de Total est une opportunité que nous n'aurions pas pu avoir sans Bpifrance. J'ai même l'impression que Bpifrance n'a aucun mal à faire venir de grandes sociétés dans le Hub ! », s'émerveille-t-il.
Les contacts que Bpifrance met à la disposition de ses protégés dans le Hub Start-up ne se concentrent pas uniquement sur l'accès à de nouveaux clients, ils visent aussi l'accès à de nouveaux financements. Les sociétés sélectionnées doivent toutes avoir une vision de leur avenir et un plan de bataille, décidé avant leur arrivée boulevard Haussmann ou en collaboration avec Cécile Brosset, directrice de Bpifrance Le Hub. Pour Delair, ce sont 10 à 15 millions d'euros à lever et un chiffre d'affaires qui passera de 1,3 million d'euros à fin 2014 à 3 millions d'euros en fin 2015. De plus, la société toulousaine, qui vient d'ouvrir une filiale au Mexique, vise les Etats-Unis avant la fin de l'année, et, en 2016, la Chine et l'Afrique du Sud. Si Benjamin Benharrosh et ses co-équipiers avaient déjà de l'ambition, les échanges de bonnes pratiques, de bonnes idées et de bons contacts au sein du Hub Start-up, aussi bien avec les équipes de Bpifrance qu'avec les autres membres des start-up hébergées, semblent « libérer » encore plus ses objectifs.

Une feuille de route ambitieuse et internationale

Thibault Lamarque, Castalie

Même chose pour Thibault Lamarque, directeur général de la société Castalie, basée à Boulogne Billancourt. « J'avais du mal à visualiser ce que serait l'expérience du Hub, avoue-t-il en riant. D’ailleurs, je pensais à l'origine ne faire migrer que les équipes de management. En quelques semaines, j'ai compris combien cela nourrissait l'esprit d'être ici. Et c'est plus central pour les commerciaux. » Bref, toutes les équipes se sont vite retrouvées au Hub, en plein Paris. Et comme Thibault Lamarque le note, « cela frémit déjà ». Intéressant, puisqu'il parle d'eau. En bouteilles de verre pour les restaurants et les hôtels, ou en fontaines, alimentées par le robinet, pour les entreprises. Plus besoin de transporter d'énormes bonbonnes pour ravitailler les salariés assoiffés. « Ce matin, un autre membre du Hub m'a dit : 'je t'ai trouvé deux clients à Lyon' », raconte-t-il. La semaine dernière, c'est lui qui a mis en relation deux start-up. « Nous n'avions pas cela à Boulogne ! », conclut-il. Les mises en relation se succèdent. Et « Cécile Brosset m'a fait rencontrer quelqu'un d'Air Liquide », poursuit-il. C'est sans doute le début d'une nouvelle association. Non seulement Castalie a besoin de C02 (que rejette Air Liquide) pour faire de l'eau pétillante, mais en plus, son bilan carbone est bon. L'eau venant du robinet, pas besoin d'effectuer un long transport, coûteux et polluant, pour qu'elle soit mise à disposition. « Quand je pense que certaines bouteilles italiennes parcourent 2 800 kilomètres en camion diesel pour rester un demi-heure sur une table de restaurant ! », s'exclame le jeune homme. Alors que la planète s'inquiète du réchauffement climatique, Castalie apporte sa contribution à la lutte contre les émissions.
La société a établi un tableau de bord avec Cécile Brosset. Nouvelle levée de fonds (d'1,5 million d'euros) d'ici la fin de l'année, gestion du parc de fontaines et développement à l'international, en commençant par le Royaume Uni, sont au programme. Un bilan sera effectué dans un an. « Le fait d'être dans le Hub Start-up nous donne de la visibilité, remarque Thibault Lamarque, et nous sommes courtisés. » Cela lui donne bien plus : une émulation salutaire. « D'autres ont levé plus de fonds que prévu, cela nous incite à être plus ouverts », dit-il. Ouvert sur l'international, mais aussi tout simplement sur le succès...
Un succès partagé, « puisqu'une start-up peut apporter à un grand groupe un nouveau business modèle ou un nouvel usage, même si aujourd’hui cette innovation est éloignée du cœur de métier du groupe », conclut de son côté Cécile Brosset. Pas étonnant que le Hub Start-up soit associé à un autre, le Hub Corporate, avec lequel Bpifrance accompagne les grands groupes et les ETI dans leur recherche de partenariats commerciaux, de Recherche et Développement ou dans une stratégie d'acquisitions.

Dans l’amphithéâtre, la pancarte « Eldorado ? » est fin prête. Elle accompagnera une prochaine présentation, sur l'innovation dans le nord de l'Europe - histoire de nourrir la réflexion et l'ambition de tous au Hub.