Théorie des jeux : pourquoi l’altruisme est mathématiquement la meilleure stratégie ?

Prendre de meilleures décisions en utilisant des modèles mathématiques, c’est notamment le pari de la théorie des jeux. On vous en dit plus. 
 

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Extrait "Un Homme d'exception"
Russell Crowe -dans "Un homme d'exception"

Cartes sur table, et sans bluff, la théorie des jeux permet de comprendre et anticiper les issues possibles d’une situation donnée. Fondée par John von Neumann et Oskar Morgenstern en 1944, cette discipline est à la croisée des chemins entre les mathématiques appliquées et l’économie comportementale. Considérant les agents comme étant rationnels, il s’agit de mettre en avant les différentes stratégies possibles dans des situations (les « jeux »), anticipant les actions des autres joueurs. 

Servant dans une multitude de domaines, la théorie des jeux permet notamment d’expliquer comment le manque de coordination entre les agents peut rationnellement induire la décision la plus désavantageuse. C’est notamment ce que John Nash, prix Nobel d’économie en 1950, démontre au travers du dilemme du prisonnier. Ce dilemme modélise une situation où deux complices d’un délit sont arrêtés et décident de se couvrir mutuellement, ou de se trahir. Dans cette situation, les deux acteurs ont intérêt à nier les faits afin d’obtenir la peine la plus légère, cependant faute de communication, ils choisiront systématiquement la trahison, car en cas de non-coopération de l’agent antagoniste, ils encourent une peine plus importante. Dans son application concrète, l’utilisation de l’équilibre de Nash explique en quoi la course à l’armement nucléaire était un choix rationnel dans un contexte de guerre froide.  En effet, le choix d’un bloc de ne pas s’armer l’aurait exposé au risque d’être anéantis par la puissance adverse. 

Au-delà de questions géopolitiques, aujourd’hui la théorie des jeux est largement exploitée dans de nombreux domaines comme la stabilité financière, le fonctionnement des institutions, les changements organisationnels, etc. Depuis une dizaine d’années, les travaux en théorie des jeux prennent une place grandissante dans le management stratégique des entreprises. Anticipant les actions de ses concurrents, l’entreprise ajuste ses décisions stratégiques (développement produit, distribution, politique prix, etc.) lui permettant d’asseoir son avantage concurrentiel.

« Réussir dans un monde égoïste »

Dans la plupart des situations, les jeux se caractérisent par une succession de choix, ce qui implique une multitude de stratégies possibles pour les agents (comportements égoïstes, donnant-donnant, lunatiques, etc.). Dès lors, la question de la stratégie optimale se pose. 
 Dans cette stratégie, les agents réagissent avec réciprocité aux trahisons et collaborations des autres « joueurs ». En punissant systématiquement les agents « profiteurs » et en encourageant la générosité dans la limite de son efficacité maximale, les résultats de l’organisation sont optimums et le management des effectifs efficace. Au-delà du retentissement économique, les travaux de Robert Axelrod ont particulièrement intéressé les biologistes qui trouvent au travers de cette théorie une explication de l’altruisme chez certaines espèces animales. Plus généralement, les travaux dans le domaine ont mis à jour quatre caractéristiques des stratégies les plus efficaces : Il ne faut pas être le premier à trahir, réagir systématiquement aux actions des autres joueurs, ne pas chercher à être gagnant à chaque échange et enfin éviter les stratégies trop complexes. 

Évidemment, les recherches de Robert Axelrod n’ont pas changé la phase du monde, ni bouleversé notre façon d’appréhender les relations sociales. Cependant, elles offrent une grille de lecture qui rompt avec une approche individualiste en redonnant au groupe une place centrale. Plus généralement, la théorie des jeux nous aide à mieux comprendre comment fonctionne le monde qui nous entoure que ce soit pour la vie du bureau, ou des problèmes politico-économiques.