Tony Estanguet [Paris 2024] : « Quand on passe du terrain de sport à l’entreprise, il faut montrer qu’on est légitime »

Ancien champion olympique de canoë slalom et actuel président du Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, Tony Estanguet, athlète aux multiples casquettes, se confie sur sa transition pour devenir manager des JO.

  • Temps de lecture: 5 min
Tony Estanguet

« Ce qui m’a le plus aidé pour diriger une organisation comme Paris 2024, c’est mon parcours sportif » affirme le président de Paris 2024. Originaire de Pau, Tony Estanguet a grandi dans une famille passionnée de sport, avec les Pyrénées pour terrain de jeu. Triple champion d’Europe, triple champion du monde et triple champion olympique de canoë slalom, il porte à présent une ambition forte en tant que président des Jeux de Paris 2024 : « Organiser un moment inédit de rassemblement, de fierté et de joie pour tous, partout en France ». Nous revenons avec lui sur les différentes étapes de sa reconversion professionnelle.

Big média : Après votre carrière d’athlète olympique, en quoi le rôle de président du comité d’organisation des Jeux vous a-t-il séduit ?

Tony Estanguet : L’idée d’accueillir les jeux en France ! J’ai commencé à travailler sur le projet d’une candidature française aux Jeux dès 2013. D’abord dans l’équipe du Comité français du sport international, puis en tant que co-président du Comité de candidature, aux côtés de Bernard Lapasset, président d’honneur de Paris 2024. Nous avons travaillé jour et nuit pour construire le projet le plus à même de convaincre les Français et le Comité International Olympique. J’étais ravi de pouvoir le poursuivre en tant que président du Comité d’organisation. C’est une nouvelle phase, et donc de nouveaux défis : mettre en œuvre un nouveau modèle de Jeux, ne pas avoir peur de proposer des choses qui ne se sont jamais faites, diriger une organisation à la croissance exponentielle - de 40 salariés en 2018 à 4 000 en 2024 – et réussir à mobiliser l’ensemble de la France : ses territoires, ses entreprises, ses acteurs culturels, ses acteurs publics, ses ONG...

B : Comment vous êtes-vous formé à ce poste ?

T.E : En parallèle de ma carrière sportive, j'ai suivi le Mastère spécialisé « Sport, Management et Stratégies d'entreprise » de l’ESSEC. C’était extrêmement formateur en matière de méthode, d’acculturation aux codes de l’entreprise et de formation à la prise de décision. Mais ce qui m’a le plus aidé pour diriger une organisation comme Paris 2024, c’est mon parcours sportif. J’ai retenu de ma carrière d’athlète qu’on ne gagne pas si on n’a pas l’ambition de gagner. Le sport de haut niveau m’a également conduit à ne jamais être dans l’autosatisfaction et à essayer de progresser en permanence. Aussi, la rivière m’a appris que rien ne se passe jamais comme prévu. En canoë, les mouvements d’eau changent tout le temps, on doit donc constamment s’adapter. C’est ce principe d’adaptation qu’on essaie de mettre en œuvre au quotidien avec Paris 2024.

« On ne gagne pas si on n'a pas l'ambition de gagner »

B : Aux prémices de votre carrière de dirigeant, quelles difficultés avez-vous rencontré ?

T.E : Quand on passe du terrain de sport à l’entreprise, il faut faire ses preuves rapidement, montrer qu’on est légitime. Cela m’a poussé à travailler énormément, approfondir chaque dossier, poser des questions, jusqu’à connaître chaque sujet sur le bout des doigts et être à même de prendre les bonnes décisions. Quand je suis devenu co-président du Comité de candidature de Paris 2024, j’ai également dû franchir un cap en anglais. Pour pouvoir être vraiment à l’aise dans les échanges avec nos nombreux interlocuteurs anglophones et faire des conférences de presse internationale, j’ai même pris des cours avec une équipe de deux comédiens américains.

B : Votre notoriété d’athlète mondialement reconnu vous aide-t-elle dans ce nouveau rôle ?

T.E : Ma – relative ! – notoriété d’athlète nous a aidés en phase de candidature pour nouer des contacts avec des sportifs français et internationaux, mais aussi avec des entrepreneurs, des artistes, des chefs étoilés, etc. Pour Paris 2024, on a la chance d’être soutenus par de nombreux d’athlètes comme Martin Fourcade, Teddy Riner, Sarah Ourahmoune, Marie-Amélie Le Fur… Ils sont des centaines à s’être engagés dans le projet !

B : Vous étiez présent aux Jeux de Tokyo en août dernier, quelles leçons en avez-vous tiré pour Paris ?

T.E : La grande leçon de Tokyo, c’est que, malgré les restrictions liées à la crise sanitaire, le sport conserve une force intacte. A Paris 2024, comme au Japon, nous allons continuer à faire sortir le sport des stades pour l’emmener là où ne l’attend pas, rapprocher les athlètes de leur public. Les épreuves seront organisées au cœur des sites les plus emblématiques de la capitale et de sa région (Tour Eiffel, Invalides, Champs de Mars, Place de la Concorde, Château de Versailles…).

« Ce qui me guidait pendant ma carrière sportive continue à me guider aujourd’hui »

B : Enfin, en tant qu’athlète olympique votre objectif était la médaille d’or, aujourd’hui quel est votre objectif ?

T.E : Proposer un nouveau modèle de Jeux, plus ouvert sur les enjeux de société et sur les attentes des citoyens. Pour mener à bien cette mission, ce qui me guidait pendant ma carrière sportive continue à me guider aujourd’hui : le sens de la préparation, la capacité de rebond et d’adaptation, la volonté de faire toujours mieux que la veille… Et puis, avoir vécu les Jeux de l’intérieur, à la fois comme athlète et comme spectateur, me donne envie de partager cette expérience unique avec le plus grand nombre. C’est pour ça qu’on ouvre des épreuves au grand public, qu’on organise une cérémonie au cœur de la ville, hors du stade, et qu’on a créé un club – le Club Paris 2024 – pour tous ceux qui veulent rencontrer des athlètes, devenir bénévoles, participer au relais de la flamme ou encore courir le marathon pour tous.