Europe centrale et orientale, Russie : des marchés si proches, à saisir !

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Ukraine, c’est maintenant qu’il faut y aller !

Entrepreneurs, pensez à l'Ukraine ! Aller en Ukraine demande d’avoir les reins solides, mais c’est aujourd’hui que les PME et ETI doivent prendre position sur ce marché de plus de 42 millions d’habitants qui intéresse beaucoup les pays concurrents, estime Alexis Struve, directeur pays chez Business France.

Depuis le 24 février 2022, un conflit armé opposant la Russie et l’Ukraine bouleverse l'économie mondiale. Bpifrance en décrypte les conséquences avec Anne-Sophie Fèvre, experte Bpifrance sur les conséquences économiques et vous propose également une interview avec Sabrina El Kasmi, responsable du pôle Conjoncture et Macro-économie chez Bpifrance afin de dresser un état des lieux de la situation et les impacts macroéconomique sur l’activité française.

Quel est l’état de la conjoncture économique ?

En 2014, le PIB a chuté d’environ 7 %, et en 2015 de 10 %. Mais simultanément, le secteur agricole a connu une croissance à peu près équivalente à la chute du PIB. Le pays a renoué avec la croissance en 2016. Les tendances économiques positives observées en 2016 devraient se prolonger en 2017 (+2 % de croissance du PIB prévue) et s’amplifier les années suivantes.

L’Ukraine s’est construite durant des décennies en ayant comme référent essentiel la Russie et les pays de la CEI. Aujourd’hui, elle se tourne vers le voisin de l’Ouest, l’Union européenne. C’est toute l’économie qui est appelée à se restructurer. Dans cet esprit, le pays s’est engagé dans un ensemble de réformes majeures. Sur le plan monétaire, le taux de change est devenu flexible permettant, après une phase d’inflation/dévaluation, une stabilisation de la monnaie. Le système bancaire a été restructuré. Sur 180 banques, environ 80 ont été fermées. Ce sont des éléments stabilisateurs, c’est un pays avec lequel les entreprises françaises peuvent travailler.

Quels sont les secteurs porteurs pour les PME françaises ?

Les secteurs les plus porteurs sont l’agriculture, le commerce de gros et de détail, les nouvelles technologies et les services urbains : l’eau, l’énergie, les transports urbains, l’organisation des services urbains, les déchets. Un vrai marché se développe sur les infrastructures d’autant que les institutions financières internationales sont particulièrement présentes.
Par exemple, le FMI a accordé un prêt de 17,5 milliards de dollars, sur 5 ans, ; les organismes comme la BEI, la Banque mondiale, la BERD, sont présents aussi et accompagnent les municipalités dans les programmes de réorganisation de leurs villes. Avec Business France, nous essayons de surfer au maximum sur les financements internationaux. Nous organisons régulièrement des missions pour faire se rencontrer les municipalités et les bailleurs de fonds internationaux. Il y a aussi l’industrie. Elle représente près de 37 % de l’activité mais elle est dans une phase de restructuration très profonde.

Ces marchés intéressent-ils les PME et ETI ou uniquement les majors ?

Demain, je reçois les maires de trois villes, et je vais leur présenter deux entreprises, d’une part un cabinet d’architecte qui construit des maisons autonomes en énergie et d’autre part, une autre qui fabrique des cuves de traitement d’eau, peu chères, pour des villes de taille moyenne. On peut directement les installer telles quelles dans des quartiers, ce qui permet de gérer rapidement la question de l’eau. Autre exemple, dans le domaine de la biomasse, il y a des entreprises françaises qui proposent des offres adaptées et qui travaillent déjà avec l’Ukraine. Dans l’agriculture, se fait sentir le besoin d’équipements, de semences, de structures pour le stockage de blé...et les moyens sont là pour financer des investissements dans le domaine de l’irrigation, des machines agricoles. Alors oui, il y a de la place pour les PME et ETI françaises en Ukraine.

Ce pays n’est-il pas trop risqué pour des investisseurs étrangers étant donné la situation politique actuelle ?

Ce serait un peu rapide de le dire comme ça, mais je suis convaincu que c’est maintenant qu’il faut venir en Ukraine. C’est maintenant que nos principaux concurrents se positionnent.
Il est vrai que l’économie ukrainienne a été profondément déstabilisée par les évènements géopolitiques intervenus dans la foulée de la « Révolution de la dignité » (annexion de la Crimée en mars 2014, démarrage du conflit dans le Donbass dès avril 2014). Mais dans ces moments de reconstruction et de restructuration du pays, il y a de belles opportunités à saisir. Venir en Ukraine demande d’avoir les reins un peu solides, ne pas vouloir forcément gagner de l’argent très vite, mais on peut à terme faire de très belles affaires.
Ce pays est très mal connu. Sa superficie est quasiment équivalente à celle de la France. Il est situé à 3 heures de vol de Paris, compte près de 43 millions d’habitants, le niveau de qualification de sa main-d’œuvre est assez exceptionnel même si les plus qualifiés sont attirés vers la Pologne où les salaires sont plus élevés. Les potentiels agricole et industriel y sont très importants.

Comment identifier le bon partenaire ?

Pour identifier le bon partenaire, mieux vaut être accompagné par quelqu’un qui connaît bien le tissu économique. Les entreprises françaises ont des interlocuteurs de confiance en Ukraine : Business France, le service économique de l’ambassade, la chambre de commerce franco-ukrainienne, les banques françaises présentes dans le pays : le Crédit Agricole, Ukrsibbank (BNP Paribas). Ils aident à sécuriser l’aventure ukrainienne. 

Il faut aussi savoir que si les entrepreneurs ukrainiens ont intégré les normes européennes, mieux vaut être accompagné sur le plan juridique. Il y a de plus en plus de cabinets internationaux présents dans le pays. Mais dans tous les cas, se dire « je vais me débrouiller tout seul » serait une erreur en Ukraine. 

Pour autant, il faut se rendre compte que c’est un marché qui est dynamique et très important. Vraiment, malgré les difficultés du pays, il faut se positionner, maintenant.

Le climat est donc propice aux affaires pour les entreprises françaises ?

Comme vous le savez, l’Ukraine est, depuis quelques années, confrontée aux conséquences économiques, sociales et humaines du conflit qui se déroule dans deux des régions de l’Est. Malgré ces difficultés, les autorités ukrainiennes sont déterminées à réformer en profondeur leur pays, en s’attaquant aux maux qui minent son développement économique et son attractivité. Il s’agit, en premier lieu, d’assainir et d’améliorer le climat des affaires en luttant contre la corruption, en instaurant la transparence des marchés publics, en œuvrant également à la simplification des procédures administratives.
Il faut mentionner également, les effets, déjà mesurables, de l’accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) noué entre l’UE et l’Ukraine et entré en application provisoire le 1er janvier 2016.

Vous évoquiez la corruption, qu’en est-il ?

La lutte contre la corruption fait l'objet d'une attention particulière, d'autant qu'il s'agit d'un sujet sensible tant pour la communauté des bailleurs de fonds que pour l’ensemble de la société. Un Bureau national de lutte contre la corruption (NABU) et une Agence pour la prévention de la corruption (NAPC) ont été créés. Toutefois, les résultats demeurent modestes en raison des moyens d'investigation limités, d'un partage flou des compétences, de résistances structurelles issues du régime précédent.

Si nécessaire, l’ambassade de France, notamment son Service économique, sont présents pour conseiller et soutenir les entreprises se retrouvant dans des situations difficiles.  En règle générale, lorsque l’on veut travailler en Ukraine mieux vaut le faire avec un partenaire local.