La mode : un secteur en pleine mutation

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Mode : la seconde main, un puissant argument marketing pour les enseignes de mode

Multiplication des plateformes de revente ouvertes aux particuliers, popularité du vintage dans le milieu de la mode, augmentation des initiatives écoresponsables… les signes ne trompent pas. Pour essayer de décortiquer cette tendance et de comprendre ses tenants et aboutissants, nous avons interrogé Delphine le Mintier, experte Mode et luxe chez Bpifrance.

L’un des secteurs les plus prometteurs pour les cinq années à venir est celui de la seconde main dans le vêtement. Selon le cabinet Boston consulting group, le secteur devrait connaitre 15 à 20 % de croissance. Avec un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros en 2020, le marché représente aujourd’hui 2 % du secteur de la mode et du luxe.

Une croissance expliquée par plusieurs facteurs

« On assiste depuis 2-3 ans à une déconsommation et à une insistance sur l’importance de la consommation responsable. Il y a une vraie conscience de l’impact négatif des industries de la mode sur l’environnement. La seconde main en général a le privilège de proposer des vêtements peu chers, non polluants car déjà produits. », nous explique Delphine le Mintier. « Alors que le budget mode représente environ 24 % de notre consommation globale, on ne porte que 40 % des vêtements que l’on possède. » Aujourd’hui, avec des plateformes comme Vinted ou Vestiaire collective, les consommateurs sont en mesure de mettre leurs vêtements inutiles en vente, de façon relativement simple et efficace, d’où la croissance de ce marché. 

A cette opportunité s’ajoute un autre facteur qui concerne la sociologie de la consommation. L’achat de vêtements de seconde main n’est plus connoté négativement. « Depuis quelques années, acheter des vêtements de seconde main est devenu banal, ce n’est plus lié à des facteurs sociaux. L’acte est devenu neutre et n’est plus synonyme de mauvaise qualité ou de pièces bradées. » ajoute l’experte.

Des enseignes connues cherchent à intégrer ce marché

En plus de ces changements de la part des consommateurs, les enseignes de mode classiques sont de plus en plus convaincues des enjeux RSE et se mettent progressivement à considérer le marché de la seconde main comme une opportunité au lieu d’y voir une concurrence. « Cette tendance s’est affirmée parmi les enseignes haut de gamme, par exemple la marque Ba&sh, a créé un système pour revendre ses vêtements sur des plateformes de la seconde main. », explique Delphine le Mintier.
Afin de recruter une nouvelle clientèle, Ba&sh s’est associée à la start-up Reflaunt pour inciter à passer par son site pour recycler ses vêtements. Les clients peuvent désormais mettre en vente une pièce via un bouton dans leurs historiques de commandes. Ceci fait, un certificat d’identité numérique du vêtement en question est inscrit sur une blockchain. Ensuite, le vêtement est mis sur une plateforme de revente en ligne. Une fois acheté par une autre personne, celle-ci peut toujours retrouver l’historique du vêtement grâce à ce certificat unique. « Le but pour Ba&sh est de garder ses clients dans son univers, et de recruter d’autres clients qui n’auraient pas acheté ces pièces neuves », explique Delphine le Mintier. « C’est une manière de dire qu’un vêtement Ba&sh fera toujours partie de cet univers, il aura toujours une origine et une histoire. Un des privilèges du vintage et de la seconde main en général, c’est ce storytelling autour du vêtement, dire son parcours et son origine. C’est ce que la marque a essayé de mettre en valeur »

La seconde main : un vrai argument marketing

D’autres marques françaises haut de gramme se sont déjà lancées dans des initiatives de valorisation de la seconde main. C’est, par exemple, le cas de Cyrillus qui a lancé sa propre plateforme de revente, baptisée Seconde histoire. Le slogan : “Rien ne se perd tout se transmet”, est en phase avec l’image de Cyrillus qui se présente comme un transmetteur d’un héritage classique par le vêtement. Dans un partenariat avec Videdressing, Sézane a encouragé de son côté ses amoureuses à mettre leurs pièces sur la plateforme partenaire en obtenant un bon d’achat équivalent à 10 % de leurs ventes.
« Cependant, toutes les marques ne peuvent pas s’y mettre, la seconde main et le vintage nécessitent une certaine qualité du vêtement pour résister à l’épreuve du temps » nous explique Delphine le Mintier. « Il est difficile pour les enseignes de fast fashion de valoriser un vêtement qui n’est fait que pour durer quelques saisons. Aujourd’hui, prôner la seconde main est un véritable argument marketing, c’est dire : nos pièces sont de grande qualité et sont faites pour une mode durable. »