Imprimantes 3D : la révolution a déjà commencé !

Les imprimantes 3D commencent à s'installer chez les particuliers, mais elles bouleversent aussi le monde industriel.

  • Temps de lecture: 5 min

Les imprimantes 3D commencent à s'installer chez les particuliers, mais elles bouleversent aussi le monde industriel. La fabrication additive (réalisation d’objets par couches successives) ne se cantonne plus aux prototypes et aux maquettes des bureaux d’études : elle s'insère désormais dans les unités de production dans tous les secteurs, de l’automobile au jouet en passant par le médical, l’aéronautique, l’outillage ou même l’alimentaire. Cette technologie désormais mature permet de réduire les délais de production et d’améliorer les performances des produits. Elle ouvre la voie au « high speed manufacturing » et à la création d’objets uniques ou personnalisés sans surcoût. Un marché de 3 milliards de dollars, qui a triplé depuis 2009 et devrait atteindre 20 milliards en 2020. 

1/ Des machines à tout faire

« Les ventes d'imprimantes 3D professionnelles ont doublé depuis deux ans, » rappelle le Pr Alain Bernard, vice-président de l'AFPR. Le prix moyen des appareils reste stable, aux environs de 75 000 euros. Les constructeurs se répartissent à parts égales entre les États-Unis, l'Europe et l'Asie, chacun s'arrogeant 30% du marché. En Europe, l'Allemagne représente 9%, contre seulement 3% pour la France.

Il existe 7 classes de procédés de fabrication additive, de la photopolymérisation par laser au collage/découpage de plaques, en passant par le dépôt de poudre métallique, l'extrusion de matières ou le frittage par laser. Autant dire que la diversité des technologies suppose de bien préparer son projet pour choisir la machine la mieux adaptée.

2/ Un moyen supplémentaire dans les filières productives

L'impression 3D peut aussi bien fonctionner en autonomie que s'ajouter à la chaîne de fabrication classique, mais son introduction suppose une réflexion sur l'ensemble de la production de l'entreprise.

« Tous les produits sont concernés, des maquettes à l'outillage en passant par la fabrication directe ou le packaging » souligne Claude Barlier, président du directoire du Cirtes. Celui-ci vient d'ailleurs de signer avec La Poste un contrat pour un système d'emballage customisé fabriqué en quelques minutes après avoir scanné l'objet à envoyer.
Danielson Engineering utilise la fabrication additive pour certaines pièces de moteurs destinées à Renault et PSA: "Cela nous a permis de produire des systèmes plus complexes et surtout de diviser les coûts et les délais par cinq" explique son président, Bernard Delaporte. Le procédé concerne même les pièces soumises à des contraintes extrêmes, comme le confirme Claudio Dalle Donne, responsable du groupe "Metallic technologies & surface engineering chez Airbus R&D. Les ferrures de titane réalisées sur des machines 3D dans son unité ont passé haut la main les tests drastiques de qualification aéronautique et volent depuis 2011.

3/ La conception : une étape-clé

L'impression 3D aura à terme un impact en profondeur sur toute la production industrielle car elle implique de remettre à plat toutes les étapes de production d'un objet, en particulier le design et l'optimisation fonctionnelle.

« Il n'y a pratiquement pas de limites à ce que la fabrication additive peut faire, à condition bien penser la conception en amont, » insiste Elisabeth Rey, directrice commerciale de Polyshape. On ne dessine plus les objets de la même façon, il faut les adapter à la machine. « La fabrication additive permet de diminuer la quantité de matériaux et l'énergie consommée, par exemple en allégeant les pièces, renchérit Philippe Vannerot, président de 3A, ou bien en repensant l'objet de manière à le fabriquer d'un seul tenant, ce qui élimine les assemblages. »

4/ Revisiter les matériaux

Autre question délicate, celle de la matière première. Il est parfois nécessaire de reconcevoir par exemple un objet métallique afin de le fabriquer en plastique, ce qui change radicalement l'équipement industriel.

« La machine toute seule n'est rien, c'est le couple machine-matériau qui compte, affirme Philippe Laude, PDG de Prodways. Le problème c'est que la plupart des vendeurs de machines imposent leurs propres matières, mais cela commence à changer, car beaucoup de brevets arrivent à échéance. » Les grands de la chimie qui jusque-là avaient dédaigné ce marché, parce qu'il était fermé, commencent à s'y intéresser. Prodways a ainsi développé un accord avec des chercheurs du CEA spécialistes des nanoparticules pour développer des matières innovantes.

5/ Un changement de culture

L'arrivée d'une machine 3D dans l'entreprise peut parfois transformer les mentalités d'une façon étonnante, en faisant tomber des cloisons organisationnelles ou mentales.

"Les retombées touchent tous les services, » explique Joseph Puzo, président d'Axon'Cable, qui est également président du pôle de compétitivité Materalia. Celui-ci a acheté sa première machine, "un peu sur un coup de tête", et l'a installée dans le bureau d'étude. Les ingénieurs ont commencé à illustrer concrètement ce qu'ils concevaient. Puis les vendeurs qui passaient par là se sont emparés des modèles pour les montrer aux clients: "ils se sont aperçu que ces derniers discutaient beaucoup moins les prix avec l'objet en main!" Puis les gens de la production ont utilisé la machine pour réaliser des pièces de rechange sur les chaînes de bobinage- en divisant leur prix de revient par dix! Puis les gens du marketing s'en sont servis pour réaliser des présentoirs. Aujourd'hui, c'est le comité d'entreprise qui s'y intéresse...

6/ Le bon moment pour se lancer

La technologie est aujourd'hui assez mature. Les entrepreneurs qui hésitent à encore à "sauter dans la piscine" peuvent le faire sans tarder.

Selon l'expression de Paul-François Fournier, directeur exécutif de la direction Innovation à Bpifrance : « la hauteur d'eau est suffisante ». Encore faut-il se préparer soigneusement, si possible avec l'aide de ceux qui sont déjà dans le bain. En Lorraine, des PME qui ne sont pas en concurrence se regroupent pour partager des machines et des savoir-faire, sous l'égide de Joseph Puzo. « On peut aussi se rapprocher des pôles de compétitivité qui constituent une porte d'entrée dans le secteur, » recommande Philippe Villard, chargé de mission chez EMC2. Celui-ci déplore l'absence en France d'une entité reconnue auprès des pouvoirs publics pour coordonner et regrouper les investissements, faciliter la vie des startups et établir des standards de normalisation.