La Chine : « un investissement sur du long terme »

A l’occasion du 50e anniversaire des relations diplomatiques franco-chinoises, nous avons souhaité faire un focus sur le marché chinois. Pierre Landrac, représentant de Bpifrance à Shanghai, nous apporte son éclairage. Interview.

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1- Vous êtes le représentant de Bpifrance à Shanghai, pourriez-vous nous définir votre mission en Chine ?

J’ai deux missions principales. Tout d’abord, j’ai un rôle d’accompagnement, en étroite collaboration avec Ubifrance. Ma priorité est de rencontrer le maximum d’entreprises françaises. Qu’elles soient dans une démarche de prospection ou déjà implantées, j’écoute leurs problématiques de développement et leur propose des solutions de financement qui répondent à leurs besoins. Je leur apporte également mes conseils sur le « contexte business » chinois au sens large.

Ma seconde mission  comprend  un volet plus institutionnel avec un axe de communication très fort. Je dois représenter Bpifrance auprès  de l’ensemble des acteurs français en Chine, avec lesquels je m’entretiens régulièrement, ainsi que nos partenaires chinois tel que le ministère des Sciences et Technologies.

2 - La Chine a connu une très forte croissance ces dernières décennies, elle est aujourd’hui la 2e puissance économique au monde, y-a-t-il encore des opportunités pour les entreprises françaises ?

D’une manière générale, on peut dire que dans toutes les industries, des parts de marché restent à prendre, notamment sur des secteurs innovants et/ou de niche. Il y a néanmoins deux secteurs particulièrement intéressants pour les entrepreneurs français :

  • Les cleantechs (économie d’énergie, lutte contre la pollution…).
  • La santé (gestion hospitalière, dispositifs médicaux, e-santé…).

Le secteur des cleantechs  car la population supporte de moins en moins les forts pics de pollution, la contamination de l’eau, des sols et de l’alimentation. Pour lutter contre ce fléau, le gouvernement a mis en place un certain nombre de mesures en faveur de l’environnement. Les marchés des énergies renouvelables, de la prévention et du traitement de la pollution, des systèmes et réseaux intelligents (« smart city ») sont ainsi très porteurs pour les sociétés françaises.

Le secteur de la santé est également source d’opportunités pour les entreprises françaises. Avec une population vieillissante, la silver economy est appelée à se développer rapidement par exemple. L’Etat et les citoyens sont prêts à faire un effort pour disposer de meilleures technologies médicales.

En dehors de ces secteurs, il y a d’autres créneaux sur lesquels se positionner, comme celui de la qualité. La Chine a longtemps été considérée comme un lieu de production à bas coût alors qu’aujourd’hui, ce qui est intéressant, c’est son marché : énorme et de plus en plus solvable. Le pays cherche à présent à développer son marché intérieur afin de répondre à la demande d’une population aisée mais aussi d’une classe moyenne devenue très consommatrice. Alors que leurs parents ont bien souvent connu la pauvreté, cette nouvelle génération, au pouvoir d’achat plus conséquent,  est très fière de pouvoir s’offrir des produits haut de gamme. Les Chinois sont très amateurs de tout ce qui est lié à l’art de vivre, à l’artisanat d’art, à la décoration…  Les entrepreneurs français ont donc une carte à jouer sur ce créneau-là. Leur « French Touch », très largement reconnue, est un atout certain pour  se démarquer de la très forte concurrence.

Les Chinois ont également besoin d’innovation non seulement pour leur production industrielle mais aussi pour accélérer leur développement.  Sur ce point-là, leur stratégie est de s’inspirer de ce qui existe déjà sur le marché mondial pour ensuite adapter leurs produits aux spécificités chinoises. Et au final, il n’est pas rare qu’ils réussissent à dépasser leurs concurrents ! Mais même s’ils ont rattrapé une partie de leur retard, ils ont encore beaucoup d’efforts à fournir pour avoir des produits véritablement innovants. Ils ont des besoins non pas tant pour la fabrication du produit en elle-même, ce en quoi ils sont très forts, mais surtout pour tout ce qui gravite autour du produit, son écosystème, là où l’on trouve des métiers de niche à forte valeur ajoutée.

3 - Comment aborder le marché chinois ?

Il faut savoir que la pénétration du marché chinois est très longue et difficile;  il faut compter un an pour créer sa société. Si l’entreprise veut être présente, elle va donc devoir être prête à s’investir sur le long terme ! Cela nécessite notamment de faire appel à un avocat et de bien capitaliser sa filiale…

L’entrepreneur a presque toujours intérêt à s’appuyer sur un partenaire chinois. Mais il faut bien le choisir car il existe des différences notoires, notamment sur le plan juridique. Les Chinois  n’appréhendent pas, par exemple, le contrat de la même façon qu’en France. Ils le considèrent  davantage comme une déclaration d’intention que comme une succession de règles à respecter scrupuleusement. C’est pourquoi il faut s’assurer des compétences de son partenaire, mais aussi de ses objectifs communs car en cas de litiges, les procès sont très compliqués.

Autre point important, la propriété intellectuelle. Avant de faire des affaires, il est indispensable de déposer le nom de sa marque en français et en caractères chinois. Il est en effet courant que des concurrents s’approprient la marque des autres en la déposant à leur place.

Concernant les questions financières, le marché bancaire chinois ne prête pas aux PME, le financement des entreprises est ici un véritable problème. Les entrepreneurs doivent donc avoir un plan de financement très solide pour pallier leur besoin en fonds de roulement, et bien capitaliser leur filiale dès le départ.

Sur le plan culturel, il y a certes une dimension affective avec la Chine. Les Chinois nous apprécient, nous avons des valeurs communes, mais ce n’est pas pour autant que les Français bénéficieront d’un traitement de faveur lors de leurs échanges. L’important est surtout d’établir une relation de confiance. Pour espérer vendre en Chine, il faut donc être sur place et surtout rester modeste, ne pas être arrogant et ne pas entrer tout de suite dans le vif du sujet ! Savoir se donner du temps est essentiel tout en sachant se montrer réactif pour ne pas se faire devancer par la concurrence.