Quel statut juridique pour votre entreprise ?

Entreprendre, oui, mais avec quel statut ? La question est essentielle. Un statut inadéquat entraînera en effet bien des désagréments et pourra exiger à terme un changement coûteux. Trois experts vous guident dans les questions à poser avant de vous lancer. Et vous apportent des réponses.

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« Il n'y a pas de statut meilleur qu'un autre, déclare d'entrée de jeu Cécile Moreira, avocate au cabinet Moreira. Il faut maîtriser les avantages et les inconvénients de chaque en fonction de votre situation ». De fait, si, sur les 551 000 entreprises créées en 2014, 70 % l'ont été à titre individuel et 30 % en tant que société, cela ne signifie que la première solution soit la bonne pour vous. Il faut donc, pour décider du statut, vous posez quelques questions de base.

Quelle est la nature de votre future activité ?

 L'entreprise individuelle est adéquate principalement pour les commerçants, les artisans et les professions libérales.

« Le statut va dépendre de l'activité que vous voulez avoir, souligne Denis Barbarossa, expert-comptable et commissaire aux comptes au Cabinet Accomplys et vice-président de IFEC Paris Ile-de-France. Et de la nécessité d'investir. » Si vous souhaitez offrir des services (achats par Internet...), ou exercer une activité de type libéral (en tant que consultant, par exemple), les investissements seront bien moindres, surtout dans le cas d'une prestation intellectuelle, que s'il y a nécessité, pour la production, de s'endetter, d'avoir un stock, d'embaucher des salariés, voire de construire une usine ! Dans ce deuxième cas, le statut « société » s'impose.
En résumé, l'entreprise individuelle est adéquate principalement pour les commerçants, les artisans et les professions libérales.

Le statut d'auto-entrepreneur est-il le bon ?

Le statut d'auto-entrepreneur est facile d'accès - quelques clics sur un site web et vous pouvez vous lancer - mais sachez que quelle que soit la réalité de votre activité (frais compris), un forfait s'applique pour les cotisations sociales.

« Le statut d'auto-entrepreneur est positif pour réaliser un test de lancement, assure Cécile Moreira, et c'est également une bonne formule pour assurer un complément de revenus, mais, attention aux problèmes à long terme : le plafond de chiffre d'affaires est très bas », poursuit l'avocate. En outre, ce statut n'est pas prévu pour que l'auto-entrepreneur puisse louer un local, embaucher des salariés, bref, créer un vrai fonds de commerce à léguer ensuite. En résumé, mieux vaut, une fois de plus, savoir ce que l'on veut faire, mais aussi pouvoir se projeter dans l'avenir. Car « il n'y a rien de pire que de commencer avec un statut inadapté », complète Denis Barbarossa. De fait, le statut d'auto-entrepreneur est facile d'accès - quelques clics sur un site web et vous pouvez vous lancer - mais sachez que quelle que soit la réalité de votre activité (frais compris), un forfait s'applique pour les cotisations sociales.

Quelle protection souhaitez vous ?

La question vaut aussi bien pour vos biens que votre santé (mutuelle), vos impôts ou votre retraite. Votre âge, votre situation patrimoniale et de famille devront être pris en compte. D'abord, en tant que chef d'entreprise, sachez que vous n'avez pas droit à l'assurance chômage. « Mieux vaut souscrire une assurance, déclare Frédéric Giovannini, inspecteur commercial vie à Gan Assurances. De fait, même si vous êtes confiant, "trois entreprises sur cinq ne passent pas le cap des cinq ans", prévient cet assureur. Cela n'arrive pas qu'aux autres... » Même chose pour vos biens : l'entrepreneur individuel répond sur son patrimoine privé des difficultés de l'entreprise. Vous pouvez faire, devant notaire, une déclaration d'insaisissabilité de votre résidence principale, si celle-ci n'est pas affectée à un usage professionnel, « ce qui protège le patrimoine de l'entrepreneur individuel et le met à l'abri des éventuels créanciers, y compris publics », rappelle Cécile Moreira. En outre, selon le régime fiscal de l’entrepreneur individuel, l'entrepreneur et la personne physique ne font qu'un, précise Denis Barbarossa. Le résultat revient de fait à l'entrepreneur, qui, même s'il n'a rien perçu du bénéfice, sera fiscalisé (taux allant jusqu'à 45 %)... En ce qui concerne le régime social, les chefs d'entreprise individuels (Travailleurs Non Salariés ou TNS), cotisent au RSI (Régime Social des Indépendants). Or « il faut gérer l'appel forfaitaire, qui a lieu la première et deuxième année, avec une régularisation en fonction du bénéfice, mais décalée. Il faut donc bien anticiper les résultats et mettre de côté de l'argent qui sera appelé, précise Denis Barbarossa. Les régularisations peuvent représenter jusqu'à 40 % de votre bénéfice si vous avez eu du succès. »

La question vaut aussi bien pour vos biens que votre santé (mutuelle), vos impôts ou votre retraite. Votre âge, votre situation patrimoniale et de famille devront être pris en compte.

SARL, SAS, SCOP....

Dans tous les cas, « faites vous accompagner ! », enjoint Frédéric Giovannini, avant de vous lancer.

Dans une SARL à un seul associé, vous êtes donc gérant associé unique et vous relevez du régime TNS. Parmi les contraintes de la SARL, à noter un statut quelque peu bousculé par une loi de 2013, qui taxe, dans certains cas, les dividendes touchés par les gérants majoritaires aux taux des cotisations sociales. En ce qui concerne la SAS, contrairement à la SARL, elle se caractérise par sa souplesse de fonctionnement. Ce n'est pas la loi mais les statuts qui dictent le fonctionnement : il faut donc les rédiger. Attention aux statuts types sur internet ! Les statuts doivent être adaptés, eux aussi, à votre situation. Entreprenez vous seul ou avec des associés ? Si, comme le rappelle Cécile Moreira, la SARL est « la reine des PME françaises en nombre, puisque plus de 90 % des sociétés françaises sont sous ce régime, bien encadré par la loi », il ne correspond pas forcément à votre projet. Sachez en tout cas que la direction de la SARL doit être une personne physique, le gérant, et que son statut social et fiscal dépend de la participation qu'il détient dans le capital de la société. Le gérant majoritaire (plus de de 50 % du capital) relève du régime social des indépendants - sans option d'en sortir. Et méfiez vous de la possibilité, qui existe, de lancer une société avec un euro seulement de capital. L'un de vos interlocuteurs sera votre banquier. Or pour une banque, un apport complémentaire est nécessaire.... Enfin, la Scop. « C'est un très bon instrument pour une reprise d'entreprise, avec des avantages fiscaux pour financement et refinancement, mais assez rigide en matière de trésorerie », précise Denis Barbarossa.

Bref, dans tous les cas, « faites vous accompagner ! », enjoint Frédéric Giovannini, avant de vous lancer. Car changer de statut est compliqué. Et cela a un coût, de l'ordre de 2000 à 3000 euros - avec un spécialiste, évidemment...