Montréal : Eldorado de l’intelligence artificielle

De plus en plus d’entreprises tricolores s’implantent dans le bouillonnant écosystème québécois de l’intelligence artificielle, porté par un univers collaboratif entre universités, entreprises et investisseurs. Elles viennent y lancer leur filiale, chercher des compétences et rayonner sur le continent nord-américain.

  • Temps de lecture: 5 min

Bienvenue dans la nouvelle Silicon Valley de l’intelligence artificielle (IA). Google, Microsoft, IBM, Samsung… tous les géants mondiaux de l’informatique ont choisi de s’implanter à Montréal pour y développer leur expertise dans ce domaine. La capitale économique du Québec s’est positionnée ces dernières années comme un hub à la pointe de l’intelligence artificielle. Selon une analyse de fDi Benchmark du Financial Times, Montréal se hisse désormais à la première place des 20 plus grandes métropoles du Canada et des Etats-Unis pour la qualité de son secteur de l’IA, devant Toronto et même San Francisco.

Une référence mondiale du « deep learning »

Au cœur de cet environnement d’innovation florissant : Mila (Montreal Institute for Learning Algorithms), un institut fondé par Yoshua Bengio - prix Turing 2018 et père du « deep learning » (en français, apprentissage profond), une technique qui s’appuie sur les réseaux de neurones virtuels. Ce laboratoire de recherche, qui réunit environ 300 chercheurs, en collaboration avec l’Université McGill et l’Université de Montréal et en lien avec l’Ecole Polytechnique de Montréal et HEC Montréal, s’appuie sur un réseau de partenaires industriels pour chercher à faire émerger de jeunes pousses.

« Ce qui rend l’écosystème montréalais aussi unique, c’est sans doute son aspect collaboratif et interconnecté. C’est le cas pour les chercheurs, les start-up et les principaux acteurs en intelligence artificielle », résume Stéphane Paquet, vice-président Investissements étrangers de Montréal International, l’agence de promotion économique du Grand Montréal. Forte de nombreux talents dans le domaine de l’IA formés dans ses universités, la métropole attire toujours plus d’étudiants internationaux.
Autre point fort de cet écosystème en pleine expansion, les incubateurs et les accélérateurs de jeunes pousses technologiques tels que TechStars, Centech, NextAI et FounderFuel.

Thales accélère le développement de jeunes pousses

Autant d’atouts qui séduisent des entreprises innovantes du monde entier, du grand groupe à la start-up. Le spécialiste de la défense Thales a lancé dans la métropole québécoise un centre de recherche dévolu à l’intelligence artificielle, baptisé cortAIx. Le groupe s’est également associé à l’incubateur Centech dans le cadre d’un programme d’accélération de start-up dans le domaine de l’IA.

Cinq jeunes pousses ont ainsi été sélectionnées l’été dernier pour faire partie de la première promotion, dont deux françaises : Delfox, à l’origine d’une solution qui permet aux véhicules de l’aéronautique, de l’espace et de la défense d’évoluer de manière autonome, et Fieldbox.ai, une plateforme déployant dans les usines des robots industriels formés à l’intelligence artificielle.

Anteneo, un projet du CEA-Leti incubé au Centech

L’accélérateur Centech a récemment sélectionné, dans le cadre d’un programme d’accélération de 12 semaines, Anteneo, un projet issu du laboratoire CEA-Leti porté par Lionel Rudant, qui développe des antennes pour le GNSS (géolocalisation et navigation par un système de satellites). Un élément clé pour la précision nécessaire aux solutions de mobilité intelligente du futur.

Installé à Montréal depuis juillet dernier, Lionel Rudant voit dans l’écosystème de la métropole québécoise « un relais formidable pour démarcher tout le continent américain ». De fait, la solution qu’il porte avec son associé resté en France, avait déjà suscité l’intérêt de premiers clients pilotes, tant nord-américains qu’européens. Tout l’enjeu pour ce projet soutenu par le CEA-Leti sera de gérer son développement sur deux continents…

ISKN ouvre une filiale à Montréal

La deeptech grenobloise ISKN a elle aussi mis le cap sur Montréal. La pépite - qui permet aux objets physiques d’interagir avec le monde numérique - vient tout juste d’ouvrir, au mois d’octobre, une filiale dans la capitale économique du Québec. La raison ? A seulement six heures de décalage horaire, Montréal « est un vrai écosystème avec des ressources humaines disponibles en nombre », analyse Jean-Luc Vallejo, PDG de cette entreprise qu’il a co-fondée en 2014.
En clair, ISKN veut notamment trouver à Montréal des compétences dans le domaine du webmarketing, de l’acquisition du trafic en ligne, du développement digital et applicatif… « C’est un pied à terre pour rayonner sur l’Amérique du Nord » moins coûteux que les États-Unis, où la société a déjà une entité spécialisée dans la distribution. Ouvrir une filiale dans cette ville s’est par ailleurs avéré être d’une « grande simplicité », confie le jeune patron de l’entreprise.

Axionable lance un laboratoire de recherche appliquée

Autre pépite tricolore, le spécialiste de la data Axionable a également choisi Montréal pour sa première incursion à l'international. L’entreprise parisienne créée en 2016 y a ouvert en avril dernier un laboratoire de recherche appliquée en IA. « C’est un écosystème particulièrement développé et dynamique par rapport à d’autres destinations », explique Abde Es-saïdi, responsable des opérations et du développement commercial d’Axionable Canada. Lui aussi souligne « une très forte concentration de talents » dont la société aura besoin pour se développer : data scientists, ingénieurs, architectes de données…

« Le marché de l’emploi est très tendu au Québec et surtout très fluide », note Abde Es-saïdi. Enfin, le principal écueil, selon lui, reste « la spécificité culturelle, même si on y parle le français. Le pitch, la présentation commerciale… ce n’est pas la même façon de travailler qu’en France. C’est une marche à franchir et nous continuons de progresser tous les jours dans ce domaine », conclut-il.